jeudi 31 décembre 2015
vendredi 25 décembre 2015
mardi 22 décembre 2015
dimanche 13 décembre 2015
mardi 8 décembre 2015
Bandit d'anar

Jeudi 10 décembre prochain, Georges Courtois (ci-dessus, évidemment, à droite) sera à 19 heures à la librairie L’Humeur Vagabonde (Paris 18ème) pour présenter et dédicacer son livre Aux marches du Palais (éd. Le Nouvel Attila). Si nous nous souvenons toutes et tous de sa spectaculaire, et non moins instructive, prise d’otages du 19 décembre 1985 à la cour d’assises de Nantes, en compagnie de Karim Khalki et Patrick Thiolet, notre mémoire de sa verve a pu quelque peu s’étioler. Aussi Lilith ne résiste-t-elle pas au plaisir de partager, ici, quelques-unes de ses saillies :
« – Vous êtes monsieur Courtois Georges...
– Et vous, vous êtes quoi, et qui ?
– Gérard Peureux, juge d'instruction.
– Peureux ? Vous êtes peureux ?
– Je vous en prie, restez courtois ! Mademoiselle Régine Sibert, ma greffière, me dit-il en désignant une jeune femme trônant derrière une machine à écrire.
– Bonjour Régine !
– On vient de vous demander d’être vous même : courtois !
Décidément, j’arrivais dans un endroit où l’on semblait aimer rire ; nous étions entre gens de bonne compagnie.
– Monsieur Peureux, je n’ai nul besoin d’être instruit de quoi que ce soit, ni par vous, que je ne connais pas, ni par quiconque, d’ailleurs. Si vous le permettez, j’aimerais que les affaires courantes soient expédiées et vous quitter.
– Vous connaissez les charges qui pèsent contre vous ?
– Hélas ! Je n’en ai pas la moindre idée…
– Bien, je vais donc vous les résumer. Désirez-vous vous expliquer immédiatement, ou préférez-vous le faire en présence d’un avocat ?
– Un avocat ? On m’accuse alors ?
– Apparemment. Votre décision ?
– Ma décision, elle est que vous établissiez un mandat de dépôt tout de suite, que vous me foutiez la paix et que vous me fassiez amener à la maison d’arrêt. On verra plus tard.
– Et vous, vous êtes quoi, et qui ?
– Gérard Peureux, juge d'instruction.
– Peureux ? Vous êtes peureux ?
– Je vous en prie, restez courtois ! Mademoiselle Régine Sibert, ma greffière, me dit-il en désignant une jeune femme trônant derrière une machine à écrire.
– Bonjour Régine !
– On vient de vous demander d’être vous même : courtois !
Décidément, j’arrivais dans un endroit où l’on semblait aimer rire ; nous étions entre gens de bonne compagnie.
– Monsieur Peureux, je n’ai nul besoin d’être instruit de quoi que ce soit, ni par vous, que je ne connais pas, ni par quiconque, d’ailleurs. Si vous le permettez, j’aimerais que les affaires courantes soient expédiées et vous quitter.
– Vous connaissez les charges qui pèsent contre vous ?
– Hélas ! Je n’en ai pas la moindre idée…
– Bien, je vais donc vous les résumer. Désirez-vous vous expliquer immédiatement, ou préférez-vous le faire en présence d’un avocat ?
– Un avocat ? On m’accuse alors ?
– Apparemment. Votre décision ?
– Ma décision, elle est que vous établissiez un mandat de dépôt tout de suite, que vous me foutiez la paix et que vous me fassiez amener à la maison d’arrêt. On verra plus tard.
(… plus tard, donc…)
– Bonjour monsieur ! Asseyez-vous, je vous en prie, ça risque d’être un peu long.
Il y avait deux sièges alignés devant son bureau, dont l’un était une chaise, et le second un fauteuil qui me parut confortable. Il me désignait la chaise. Je me laissai tomber dans le fauteuil, après avoir salué Régine, et qu’elle eut haussé les épaules.
– Non, non, la chaise s’il vous plaît.
– Comment ça, la chaise ?
– Les fauteuils sont pour les défenseurs ; les chaises pour les prévenus ou les inculpés. C’est la coutume.
– Les coutumes sont souvent ringardes. Je vous ferai, si vous le voulez bien, cher monsieur, deux courtes observations. La première, c’est que je n’ai pas encore choisi de défenseur, que vous ne m’en avez point désigné un d’office, qu’il n’y a pas ici d’avocat, et que l’on peut donc me considérer en état d’autodéfense. La seconde, c’est que je dois être considéré comme innocent jusqu’à l’administration de la preuve du contraire. Mes droits, y compris celui de m’asseoir, restent donc égaux à ceux de chacun, fût-il avocat. Je reste dans ce fauteuil, que cela vous plaise ou non.
– Je vous ai pourtant fait désigner un défenseur puisque vous ne m’avez pas donné de vos nouvelles. N’en avez-vous pas été informé ? D’après ce que j’en sais, il s’agirait de maître Chanteux…
Il y avait deux sièges alignés devant son bureau, dont l’un était une chaise, et le second un fauteuil qui me parut confortable. Il me désignait la chaise. Je me laissai tomber dans le fauteuil, après avoir salué Régine, et qu’elle eut haussé les épaules.
– Non, non, la chaise s’il vous plaît.
– Comment ça, la chaise ?
– Les fauteuils sont pour les défenseurs ; les chaises pour les prévenus ou les inculpés. C’est la coutume.
– Les coutumes sont souvent ringardes. Je vous ferai, si vous le voulez bien, cher monsieur, deux courtes observations. La première, c’est que je n’ai pas encore choisi de défenseur, que vous ne m’en avez point désigné un d’office, qu’il n’y a pas ici d’avocat, et que l’on peut donc me considérer en état d’autodéfense. La seconde, c’est que je dois être considéré comme innocent jusqu’à l’administration de la preuve du contraire. Mes droits, y compris celui de m’asseoir, restent donc égaux à ceux de chacun, fût-il avocat. Je reste dans ce fauteuil, que cela vous plaise ou non.
– Je vous ai pourtant fait désigner un défenseur puisque vous ne m’avez pas donné de vos nouvelles. N’en avez-vous pas été informé ? D’après ce que j’en sais, il s’agirait de maître Chanteux…
– Un maître chanteux ? Vous n’y pensez pas, monsieur le juge ! »
Et pour finir – à l’attention d’un autre magistrat – puisé dans un lexique que Bloy n’aurait certainement pas renié :
Et pour finir – à l’attention d’un autre magistrat – puisé dans un lexique que Bloy n’aurait certainement pas renié :
« Vous êtes moche, vous sentez mauvais, infâme salopard, semblable à vos complices de pourrissoir dans lequel vous évoluez, tel le goret dans sa soue… »
dimanche 29 novembre 2015
Le GUÈRE VÉRITABLE ou : la pathétique quête de Monsieur Plus

Pour lire la véritable prose de Monsieur Plus,
Il y a d'un côté des poseurs de bombes (dont Monsieur Plus n'est pas) et de l'autre côté, des poseurs de l'ultra-gauche que seule, la posture – qui se voudrait l'étalon de la radicalité – intéresse, et là... Monsieur Plus apparaît !
Entre
les deux, tout le monde en prend pour son grade, dans un même vomi au sein
duquel chacun est prié de se reconnaître, qu'on soit aux commandes des Rafale au-dessus des zones de guerre, caissière au
supermarché, prolo à l'usine, étudiant en psycho, pute au bois de Vincennes,
patron du CAC 40, adepte des ballons de rouge au bistrot ou du ballon de foot
au stade ; le tout au milieu des morceaux de chair « United Colors of
Benetton » des morts de tous
genres, tous âges, toutes races et de toutes classes sociales, explosés façon
puzzle, par ceux, qui – EUX – à n'en pas douter, ont fait preuve
d'un véritable sens de la fête et
du discernement...
Le
problème de Monsieur Plus, c'est qu'à force de vouloir – à défaut d'être le dernier des Mohicans – être le
dernier néo-situationniste, il en perd l'essentiel, à savoir : la simple
intelligence des situations. Il
compare l'incomparable, selon la même vieille grille de lecture rouillée depuis
1914, qui ne lui sert plus, aujourd'hui, qu'à le protéger du monde, duquel il
se retire volontiers pour distribuer, depuis quelque base de repli
(pardon ! quelque haut lieu de la réflexion pré-insurrectionnelle), les bons et les mauvais points. Les mauvais points
étant les « accès de confusion extrême » et « chez beaucoup, les
rares crises d'hypocrisie » qui ont suivi le massacre du 13 novembre
dernier.
Il
convient de relever que ces enfoirés mondains, de putains-d'enculés-de-leur-race-de-mort (qu'ils méritaient donc...) n'étaient pas – un vendredi soir – à la mosquée pour
prier, à la maison en train de préparer les makrouds de Shabbat, ou de bouffer
le vénéré pouascaille hebdomadaire, mais des salauds qui, au stade (il fut
pourtant une époque où Monsieur Plus adorait les hooligans...), au bar
(merde ! fait chier, Debord était alcolo ! Mais ça fait rien, les djeuns, ils le savent pas...), ou en train de draguer des
salopes – forcément (sauf la mère, la soeur et la femme
voilée de ces sympathiques djihadistes)...
De
ce merdier – sans nom (bien que celui de religion vienne spontanément à l'esprit de Lilith, qui doit,
sans doute, être en plein délire) – il convient donc de traquer l'hypocrisie.
Lilith
ne s'attardera pas sur le fait que Monsieur Plus estime que cette jeunesse issue de l'immigration, en France ou en
Belgique, a de bonnes raison de se sentir (puisqu'elle n'y vit pas)
« bombardée » au Mali, en Syrie, en Irak, ou encore, en Afghanistan, et
d'en être « passablement échauffée » (mystérieuse puissance de la sensation,
légitimée – ici – par les habituels détracteurs – à juste titre – du foutu sentiment d'insécurité), là où elle n'a cure de la guerre sociale menée contre ses parents, prisonniers de guerre
économique, contre celles et ceux qui luttent dans leurs usines, leurs
quartiers ou dans les ZAD (liste non exhaustive), sur le territoire où elle a
eu le grand malheur de voir le jour et de vivre quand –
il faut bien le reconnaître
– le territoire libéré de l'État Islamique serait de nature à lui assurer
un plein épanouissement...
Non,
en revanche, Lilith s'interroge sur le point de savoir s'il n'y aurait pas une
certaine hypocrisie à – ici-bas –
proscrire l'alcool, la débauche, refuser même de connaître l'amour avant le
mariage, et à se faire sauter le caisson – pourquoi ? Pour baiser 70 vierges et
se prendre une murge de tous les diables, une fois arrivé au paradis. Monsieur
Plus appelle ça : « ne pas redouter la mort » et être
« plus affranchis que nous ». Monsieur Plus serait-il devenu boubourse, au point de ne pas voir la différence entre ne pas
craindre de risquer sa vie pour une vie meilleure – sur Terre – et signer une
pitoyable assurance-Mort avec
l'au-delà ? Le premier sait qu'il n'a qu'une vie et que ce sera – ici et
maintenant – ou jamais. Lui seul fait oeuvre de liberté en ne craignant pas la
mort. Le second agit, au contraire, au service du « divin » et vit dans la crainte des
représailles de son dieu s'il s'écarte du « droit chemin ». Il n'y a
donc aucune liberté à respecter
des principes édictés et à faire exactement ce à quoi on est destiné.
Curieuse
sincérité de l'engagement politique (tout de même !) de celui qui exige en
retour, non seulement une contrepartie garantie, mais encore, que celle-ci soit
l'exacte antinomie – pour l'éternité – des préceptes et des prêches qu'il aura
dispensés – durant les quelques années qu'aura duré sa vie. De ce marché « gagnant-gagnant »,
Monsieur Plus, quant à lui, décèle un « caractère spectaculairement
anti-économique », l'enjeu en
terme de plus-value lui ayant totalement échappé.
C'est
ainsi que dans son impitoyable guerre véritable à l'hypocrisie ambiante, il valide donc toutes les traîtrises et autres promesses non
tenues. Le voilà fin prêt à devenir chef de parti et à mener une brillante
carrière politique. Ses disciples sont désormais prévenus : qu'ils ne viennent
pas se plaindre – après – d'avoir été trompés sur la qualité d'un ennemi de la
marchandise... Car, au terme de ce
« second éditorial », Monsieur Plus s'est dit qu'il était temps de se
définir ainsi et de glisser le mot de « communiste », avant que certains lecteurs(trices) ne soient tentés
de déduire de ce texte, qu'il lui préfèrerait, peut-être, celui de « fasciste ».
Mais
si les religieux nous promettent le paradis, à quoi ressemblerait le « communisme »
de Monsieur Plus ? À lire sa prose, il y a peu de chance qu'on y serait « joyeux »,
« libertin », « décomplexé », « athée », « festif »,
qu'on boirait du « champagne », qu'on se retrouverait au « bistrot »,
qu'on aimerait ou pratiquerait des jeux de balles, qu'on irait au « concert »,
qu'on jouerait ou écouterait « du rock ». Tout ceci n'étant que du « divertissement »,
auquel Tartuffe/Monsieur Plus ne s'adonne JAMAIS, et que le « communisme »
proscrirait, cela va sans dire.
Alors,
c'est pourquoi les cacahouètes que, dans sa grande mansuétude, Monsieur Plus
nous jette pour nourrir nos esprits défaillants, Lilith leur trouve un sale
goût de rance, quand elles ne lui sont pas carrément restées coincées en travers
de la gorge !
lundi 2 novembre 2015
Élégie

ÉLÉGIE
Les premières horloges étaient enchâssées dans de délicates
têtes de mort en argent
Memento mori. On peut rire en entendant cela.
Car l'essentiel de ce qu'on dit est humour macabre. On pourrait mourir
en riant
mais le temps nous enchâsse tous les deux, nous, jeunes et
en bonne santé.
Il n'en a pas toujours été ainsi. Je me revois m'élever
au-dessus d'un cadavre fripé avec un délice total. C'est
peut-être
le XVIème siècle & je m'enfuyais en exil pour échapper au
bûcher.
D'abord on perd la vue, puis l'ouïe, le toucher, le goût et enfin l'odorat :
c'est ce que disent les moines tibétains qui ont écrit leur
Livre des Morts.
Le feu, la solitude ou l'amour brûlent-ils plus que la mort,
je ne le
sais, mais je me revois faire 14 heures de voiture jusqu'à
Key West
& être allongé à côté de toi pour halluciner ton visage magnifique
tête de mort grimaçante. J'ai égaré le poème qui en parlait.
Quand j'ai perdu mon premier amant, assassiné par un marine en cavale
J'ai roulé toute la nuit en hurlant désespérément
mais personne ne pouvait m'entendre. Les vitres étaient remontées. Avant de
mourir, ma femme a rêvé que notre aquarium se brisait &
que tous les poissons
gigotaient par terre dans la rue. Personne ne voulait l'aider
à les sauver.
Elle était psychologue & est tombée amoureuse d'un patient
psychotique,
un gamin qui voulait tuer tout le monde dans une petite
ville. Il était
fantastique au lit. Il avait beau détester les pédés, il avait un
jour rêvé que
je venais à lui tel Jésus avec une guirlande de roses ceintes
autour de la tête.
Je savais que c'était de mauvais augure.
Les morts
communiquent avec nous d'étrange façon, ou bien est-ce
juste parce que
c'est si ordinaire qu'on trouve ça étrange. Je porte un
costume noir & arbore un voile blanc,
me déclare préfet d'un monastère lisant le Nuage de
l'Inconnaissance.
Le dessus de ma tête flotte sans effort jusque dans le passé
et le futur antérieur.
Un certain James Pattle, ancêtre de Virginia Woolf, fut mis
dans une barrique remplie d'alcool fort
à sa mort & ainsi renvoyé auprès de sa femme. Elle est
devenue folle. Il est difficile
de concevoir ce qu'a pu signifier la mort noire en Europe
au XIVè siècle. Que des tribus d'Hébreux & des légions
romaines aient massacré des villes entières, cela est
généralement oublié
mais c'est aussi le cas d'Auschwitz. La vie est déjà bien assez
terne
dans les meilleures conditions. Je me demande si l'on a jamais
écrit un recueil de poèmes sur des assassins. Si ce n'est pas
le cas, j'aimerais en écrire un.
Caligula, Justinien - on pourrait faire des volumes rien que
sur les derniers empereurs romains.
Mais qu'y a-t-il de plus terrible que la mort d'un enfant ?
Le dernier poème porterait sur Dan White, le tueur aux
Twinkies,
& son amour pour la verte Irlande, à la beauté terrible.
Quand j'ai appris que le crâne de ma femme avait été écrasé
par un camion, ma tête
a nagé comme un sablier percutant un téléviseur. Toutes les
chaînes ont disjoncté.
Les grillons faisaient un raffut digne de Halloween & je me
souviens avoir expliqué l'événement
à notre fille de deux ans à l'aide d'un livre de Babar.
La maman de Babar a été tuée par un méchant chasseur &
aujourd'hui encore ça fait de la peine à Alysia.
Nous prenons nos distances pour nous protéger, portons des
écharpes quand il fait froid.
ce qui paraît le plus saugrenu dans notre autobiographie est
ce qui s'est vraiment passé.
Seules les circonstances font de la mort un événement
terrible.
Elle a rêvé que notre aquarium se brisait & que tous les
poissons...
On ne devrait pas être obligé de se brûler la main chaque
jour pour sentir le mystère du feu.
(poème de Steve Abboth, écrivain et militant homosexuel, lu par sa fille Alysia le jour de ses funérailles)
***
Veuf, pédé et père d'une gamine de deux ans, Steve Abboth l'éleva seul dans le quartier de Haight-Ashbury (San Francisco) au coeur des seventies avant de mourir du sida.
De leur vie de fauchés, ponctuée de déménagements, de fêtes et de lectures de poésies, Alysia Abboth a couché un livre émouvant : Fairyland, dont Lilith - qui aurait adoré avoir un papa comme le sien - ne résiste pas au plaisir de citer un extrait :
De leur vie de fauchés, ponctuée de déménagements, de fêtes et de lectures de poésies, Alysia Abboth a couché un livre émouvant : Fairyland, dont Lilith - qui aurait adoré avoir un papa comme le sien - ne résiste pas au plaisir de citer un extrait :

(photographies : Lilith Jaywalker)
" Bien vite, nous passions plusieurs soirs par semaine à Cloud House. Je me trouvais dans un coin, sur un coussin délavé par le soleil où papa m'installait avec du papier et des crayons de couleur. Je dessinais des maisons-nuages cotonneuses et des gratte-ciel-nuages, tous peuplés d'habitants empressés qui arrivaient à dos d'oiseau. Kush accrochait mes dessins aux fenêtres, si bien que, chaque fois que j'entrais à Cloud House, j'avais l'impression que c'était aussi ma maison.
Tant de soirées de mon enfance se sont déroulées dans ces salles combles où se faisait le calme, dans l'attente que le silence soit transpercé par des chapelets de mots étranges. Il était rare que j'arrive à suivre ce qui était lu. Pour moi, ce n'était qu'un bruit de fond, la bande-son de mes curieuses errances, à feuilleter les livres sur les rayonnages, ou à chercher les bandes dessinées Garfield et Snoopy que j'avais apportées. D'autres fois, le rythme régulier et répétitif des lecteurs, la chaleur et le ton des différentes voix me faisaient l'effet d'une berceuse. Je grimpais sur les genoux de papa et m'assoupissais, apaisée par le mouvement de sa respiration, sa maigre et chaude poitrine que j'écoutais, et qui vibrait au fil d'une conversation animée. Pour rien au monde je n'aurais voulu être ailleurs.
Les lectures à Cloud House étaient souvent suivies d'un dîner à la fortune du pot. Les adultes buvaient généralement plus que de raison, emplissant les lieux de leur fumée de cigarette et de marijuana, ils récitaient des poèmes puis commentaient et argumentaient.
Poète n°1 : " Pour que la poésie touche les gens, il faut qu'elle leur parle personnellement, afin d'étendre leurs rêves. La poésie contestataire donne des oeillères. "
Poète n°2 : " Mais s'il n'y a pas de poésie révolutionnaire, il est possible qu'il n'y ait jamais de poésie ! "
Poète n°3 : " Je vois le magnétophone comme l'arme par excellence. Il faut qu'on sorte avec les magnétophones et qu'au lieu de passer de la disco on fasse écouter de la conscience ! "
Papa et moi rentrions toujours tard de ces soirées. On regagnait nos lits respectifs en trébuchant et, le lendemain matin, on se réveillait comme on pouvait, on franchissait le seuil en vitesse, une nouvelle fois en retard pour l'école. "
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