jeudi 31 décembre 2015
vendredi 25 décembre 2015
mardi 22 décembre 2015
dimanche 13 décembre 2015
mardi 8 décembre 2015
Bandit d'anar
Jeudi 10 décembre prochain, Georges Courtois (ci-dessus, évidemment, à droite) sera à 19 heures à la librairie L’Humeur Vagabonde (Paris 18ème) pour présenter et dédicacer son livre Aux marches du Palais (éd. Le Nouvel Attila). Si nous nous souvenons toutes et tous de sa spectaculaire, et non moins instructive, prise d’otages du 19 décembre 1985 à la cour d’assises de Nantes, en compagnie de Karim Khalki et Patrick Thiolet, notre mémoire de sa verve a pu quelque peu s’étioler. Aussi Lilith ne résiste-t-elle pas au plaisir de partager, ici, quelques-unes de ses saillies :
« – Vous êtes monsieur Courtois Georges...
– Et vous, vous êtes quoi, et qui ?
– Gérard Peureux, juge d'instruction.
– Peureux ? Vous êtes peureux ?
– Je vous en prie, restez courtois ! Mademoiselle Régine Sibert, ma greffière, me dit-il en désignant une jeune femme trônant derrière une machine à écrire.
– Bonjour Régine !
– On vient de vous demander d’être vous même : courtois !
Décidément, j’arrivais dans un endroit où l’on semblait aimer rire ; nous étions entre gens de bonne compagnie.
– Monsieur Peureux, je n’ai nul besoin d’être instruit de quoi que ce soit, ni par vous, que je ne connais pas, ni par quiconque, d’ailleurs. Si vous le permettez, j’aimerais que les affaires courantes soient expédiées et vous quitter.
– Vous connaissez les charges qui pèsent contre vous ?
– Hélas ! Je n’en ai pas la moindre idée…
– Bien, je vais donc vous les résumer. Désirez-vous vous expliquer immédiatement, ou préférez-vous le faire en présence d’un avocat ?
– Un avocat ? On m’accuse alors ?
– Apparemment. Votre décision ?
– Ma décision, elle est que vous établissiez un mandat de dépôt tout de suite, que vous me foutiez la paix et que vous me fassiez amener à la maison d’arrêt. On verra plus tard.
– Et vous, vous êtes quoi, et qui ?
– Gérard Peureux, juge d'instruction.
– Peureux ? Vous êtes peureux ?
– Je vous en prie, restez courtois ! Mademoiselle Régine Sibert, ma greffière, me dit-il en désignant une jeune femme trônant derrière une machine à écrire.
– Bonjour Régine !
– On vient de vous demander d’être vous même : courtois !
Décidément, j’arrivais dans un endroit où l’on semblait aimer rire ; nous étions entre gens de bonne compagnie.
– Monsieur Peureux, je n’ai nul besoin d’être instruit de quoi que ce soit, ni par vous, que je ne connais pas, ni par quiconque, d’ailleurs. Si vous le permettez, j’aimerais que les affaires courantes soient expédiées et vous quitter.
– Vous connaissez les charges qui pèsent contre vous ?
– Hélas ! Je n’en ai pas la moindre idée…
– Bien, je vais donc vous les résumer. Désirez-vous vous expliquer immédiatement, ou préférez-vous le faire en présence d’un avocat ?
– Un avocat ? On m’accuse alors ?
– Apparemment. Votre décision ?
– Ma décision, elle est que vous établissiez un mandat de dépôt tout de suite, que vous me foutiez la paix et que vous me fassiez amener à la maison d’arrêt. On verra plus tard.
(… plus tard, donc…)
– Bonjour monsieur ! Asseyez-vous, je vous en prie, ça risque d’être un peu long.
Il y avait deux sièges alignés devant son bureau, dont l’un était une chaise, et le second un fauteuil qui me parut confortable. Il me désignait la chaise. Je me laissai tomber dans le fauteuil, après avoir salué Régine, et qu’elle eut haussé les épaules.
– Non, non, la chaise s’il vous plaît.
– Comment ça, la chaise ?
– Les fauteuils sont pour les défenseurs ; les chaises pour les prévenus ou les inculpés. C’est la coutume.
– Les coutumes sont souvent ringardes. Je vous ferai, si vous le voulez bien, cher monsieur, deux courtes observations. La première, c’est que je n’ai pas encore choisi de défenseur, que vous ne m’en avez point désigné un d’office, qu’il n’y a pas ici d’avocat, et que l’on peut donc me considérer en état d’autodéfense. La seconde, c’est que je dois être considéré comme innocent jusqu’à l’administration de la preuve du contraire. Mes droits, y compris celui de m’asseoir, restent donc égaux à ceux de chacun, fût-il avocat. Je reste dans ce fauteuil, que cela vous plaise ou non.
– Je vous ai pourtant fait désigner un défenseur puisque vous ne m’avez pas donné de vos nouvelles. N’en avez-vous pas été informé ? D’après ce que j’en sais, il s’agirait de maître Chanteux…
Il y avait deux sièges alignés devant son bureau, dont l’un était une chaise, et le second un fauteuil qui me parut confortable. Il me désignait la chaise. Je me laissai tomber dans le fauteuil, après avoir salué Régine, et qu’elle eut haussé les épaules.
– Non, non, la chaise s’il vous plaît.
– Comment ça, la chaise ?
– Les fauteuils sont pour les défenseurs ; les chaises pour les prévenus ou les inculpés. C’est la coutume.
– Les coutumes sont souvent ringardes. Je vous ferai, si vous le voulez bien, cher monsieur, deux courtes observations. La première, c’est que je n’ai pas encore choisi de défenseur, que vous ne m’en avez point désigné un d’office, qu’il n’y a pas ici d’avocat, et que l’on peut donc me considérer en état d’autodéfense. La seconde, c’est que je dois être considéré comme innocent jusqu’à l’administration de la preuve du contraire. Mes droits, y compris celui de m’asseoir, restent donc égaux à ceux de chacun, fût-il avocat. Je reste dans ce fauteuil, que cela vous plaise ou non.
– Je vous ai pourtant fait désigner un défenseur puisque vous ne m’avez pas donné de vos nouvelles. N’en avez-vous pas été informé ? D’après ce que j’en sais, il s’agirait de maître Chanteux…
– Un maître chanteux ? Vous n’y pensez pas, monsieur le juge ! »
Et pour finir – à l’attention d’un autre magistrat – puisé dans un lexique que Bloy n’aurait certainement pas renié :
Et pour finir – à l’attention d’un autre magistrat – puisé dans un lexique que Bloy n’aurait certainement pas renié :
« Vous êtes moche, vous sentez mauvais, infâme salopard, semblable à vos complices de pourrissoir dans lequel vous évoluez, tel le goret dans sa soue… »
dimanche 29 novembre 2015
Le GUÈRE VÉRITABLE ou : la pathétique quête de Monsieur Plus
Pour lire la véritable prose de Monsieur Plus,
Il y a d'un côté des poseurs de bombes (dont Monsieur Plus n'est pas) et de l'autre côté, des poseurs de l'ultra-gauche que seule, la posture – qui se voudrait l'étalon de la radicalité – intéresse, et là... Monsieur Plus apparaît !
Entre
les deux, tout le monde en prend pour son grade, dans un même vomi au sein
duquel chacun est prié de se reconnaître, qu'on soit aux commandes des Rafale au-dessus des zones de guerre, caissière au
supermarché, prolo à l'usine, étudiant en psycho, pute au bois de Vincennes,
patron du CAC 40, adepte des ballons de rouge au bistrot ou du ballon de foot
au stade ; le tout au milieu des morceaux de chair « United Colors of
Benetton » des morts de tous
genres, tous âges, toutes races et de toutes classes sociales, explosés façon
puzzle, par ceux, qui – EUX – à n'en pas douter, ont fait preuve
d'un véritable sens de la fête et
du discernement...
Le
problème de Monsieur Plus, c'est qu'à force de vouloir – à défaut d'être le dernier des Mohicans – être le
dernier néo-situationniste, il en perd l'essentiel, à savoir : la simple
intelligence des situations. Il
compare l'incomparable, selon la même vieille grille de lecture rouillée depuis
1914, qui ne lui sert plus, aujourd'hui, qu'à le protéger du monde, duquel il
se retire volontiers pour distribuer, depuis quelque base de repli
(pardon ! quelque haut lieu de la réflexion pré-insurrectionnelle), les bons et les mauvais points. Les mauvais points
étant les « accès de confusion extrême » et « chez beaucoup, les
rares crises d'hypocrisie » qui ont suivi le massacre du 13 novembre
dernier.
Il
convient de relever que ces enfoirés mondains, de putains-d'enculés-de-leur-race-de-mort (qu'ils méritaient donc...) n'étaient pas – un vendredi soir – à la mosquée pour
prier, à la maison en train de préparer les makrouds de Shabbat, ou de bouffer
le vénéré pouascaille hebdomadaire, mais des salauds qui, au stade (il fut
pourtant une époque où Monsieur Plus adorait les hooligans...), au bar
(merde ! fait chier, Debord était alcolo ! Mais ça fait rien, les djeuns, ils le savent pas...), ou en train de draguer des
salopes – forcément (sauf la mère, la soeur et la femme
voilée de ces sympathiques djihadistes)...
De
ce merdier – sans nom (bien que celui de religion vienne spontanément à l'esprit de Lilith, qui doit,
sans doute, être en plein délire) – il convient donc de traquer l'hypocrisie.
Lilith
ne s'attardera pas sur le fait que Monsieur Plus estime que cette jeunesse issue de l'immigration, en France ou en
Belgique, a de bonnes raison de se sentir (puisqu'elle n'y vit pas)
« bombardée » au Mali, en Syrie, en Irak, ou encore, en Afghanistan, et
d'en être « passablement échauffée » (mystérieuse puissance de la sensation,
légitimée – ici – par les habituels détracteurs – à juste titre – du foutu sentiment d'insécurité), là où elle n'a cure de la guerre sociale menée contre ses parents, prisonniers de guerre
économique, contre celles et ceux qui luttent dans leurs usines, leurs
quartiers ou dans les ZAD (liste non exhaustive), sur le territoire où elle a
eu le grand malheur de voir le jour et de vivre quand –
il faut bien le reconnaître
– le territoire libéré de l'État Islamique serait de nature à lui assurer
un plein épanouissement...
Non,
en revanche, Lilith s'interroge sur le point de savoir s'il n'y aurait pas une
certaine hypocrisie à – ici-bas –
proscrire l'alcool, la débauche, refuser même de connaître l'amour avant le
mariage, et à se faire sauter le caisson – pourquoi ? Pour baiser 70 vierges et
se prendre une murge de tous les diables, une fois arrivé au paradis. Monsieur
Plus appelle ça : « ne pas redouter la mort » et être
« plus affranchis que nous ». Monsieur Plus serait-il devenu boubourse, au point de ne pas voir la différence entre ne pas
craindre de risquer sa vie pour une vie meilleure – sur Terre – et signer une
pitoyable assurance-Mort avec
l'au-delà ? Le premier sait qu'il n'a qu'une vie et que ce sera – ici et
maintenant – ou jamais. Lui seul fait oeuvre de liberté en ne craignant pas la
mort. Le second agit, au contraire, au service du « divin » et vit dans la crainte des
représailles de son dieu s'il s'écarte du « droit chemin ». Il n'y a
donc aucune liberté à respecter
des principes édictés et à faire exactement ce à quoi on est destiné.
Curieuse
sincérité de l'engagement politique (tout de même !) de celui qui exige en
retour, non seulement une contrepartie garantie, mais encore, que celle-ci soit
l'exacte antinomie – pour l'éternité – des préceptes et des prêches qu'il aura
dispensés – durant les quelques années qu'aura duré sa vie. De ce marché « gagnant-gagnant »,
Monsieur Plus, quant à lui, décèle un « caractère spectaculairement
anti-économique », l'enjeu en
terme de plus-value lui ayant totalement échappé.
C'est
ainsi que dans son impitoyable guerre véritable à l'hypocrisie ambiante, il valide donc toutes les traîtrises et autres promesses non
tenues. Le voilà fin prêt à devenir chef de parti et à mener une brillante
carrière politique. Ses disciples sont désormais prévenus : qu'ils ne viennent
pas se plaindre – après – d'avoir été trompés sur la qualité d'un ennemi de la
marchandise... Car, au terme de ce
« second éditorial », Monsieur Plus s'est dit qu'il était temps de se
définir ainsi et de glisser le mot de « communiste », avant que certains lecteurs(trices) ne soient tentés
de déduire de ce texte, qu'il lui préfèrerait, peut-être, celui de « fasciste ».
Mais
si les religieux nous promettent le paradis, à quoi ressemblerait le « communisme »
de Monsieur Plus ? À lire sa prose, il y a peu de chance qu'on y serait « joyeux »,
« libertin », « décomplexé », « athée », « festif »,
qu'on boirait du « champagne », qu'on se retrouverait au « bistrot »,
qu'on aimerait ou pratiquerait des jeux de balles, qu'on irait au « concert »,
qu'on jouerait ou écouterait « du rock ». Tout ceci n'étant que du « divertissement »,
auquel Tartuffe/Monsieur Plus ne s'adonne JAMAIS, et que le « communisme »
proscrirait, cela va sans dire.
Alors,
c'est pourquoi les cacahouètes que, dans sa grande mansuétude, Monsieur Plus
nous jette pour nourrir nos esprits défaillants, Lilith leur trouve un sale
goût de rance, quand elles ne lui sont pas carrément restées coincées en travers
de la gorge !
lundi 2 novembre 2015
Élégie
ÉLÉGIE
Les premières horloges étaient enchâssées dans de délicates
têtes de mort en argent
Memento mori. On peut rire en entendant cela.
Car l'essentiel de ce qu'on dit est humour macabre. On pourrait mourir
en riant
mais le temps nous enchâsse tous les deux, nous, jeunes et
en bonne santé.
Il n'en a pas toujours été ainsi. Je me revois m'élever
au-dessus d'un cadavre fripé avec un délice total. C'est
peut-être
le XVIème siècle & je m'enfuyais en exil pour échapper au
bûcher.
D'abord on perd la vue, puis l'ouïe, le toucher, le goût et enfin l'odorat :
c'est ce que disent les moines tibétains qui ont écrit leur
Livre des Morts.
Le feu, la solitude ou l'amour brûlent-ils plus que la mort,
je ne le
sais, mais je me revois faire 14 heures de voiture jusqu'à
Key West
& être allongé à côté de toi pour halluciner ton visage magnifique
tête de mort grimaçante. J'ai égaré le poème qui en parlait.
Quand j'ai perdu mon premier amant, assassiné par un marine en cavale
J'ai roulé toute la nuit en hurlant désespérément
mais personne ne pouvait m'entendre. Les vitres étaient remontées. Avant de
mourir, ma femme a rêvé que notre aquarium se brisait &
que tous les poissons
gigotaient par terre dans la rue. Personne ne voulait l'aider
à les sauver.
Elle était psychologue & est tombée amoureuse d'un patient
psychotique,
un gamin qui voulait tuer tout le monde dans une petite
ville. Il était
fantastique au lit. Il avait beau détester les pédés, il avait un
jour rêvé que
je venais à lui tel Jésus avec une guirlande de roses ceintes
autour de la tête.
Je savais que c'était de mauvais augure.
Les morts
communiquent avec nous d'étrange façon, ou bien est-ce
juste parce que
c'est si ordinaire qu'on trouve ça étrange. Je porte un
costume noir & arbore un voile blanc,
me déclare préfet d'un monastère lisant le Nuage de
l'Inconnaissance.
Le dessus de ma tête flotte sans effort jusque dans le passé
et le futur antérieur.
Un certain James Pattle, ancêtre de Virginia Woolf, fut mis
dans une barrique remplie d'alcool fort
à sa mort & ainsi renvoyé auprès de sa femme. Elle est
devenue folle. Il est difficile
de concevoir ce qu'a pu signifier la mort noire en Europe
au XIVè siècle. Que des tribus d'Hébreux & des légions
romaines aient massacré des villes entières, cela est
généralement oublié
mais c'est aussi le cas d'Auschwitz. La vie est déjà bien assez
terne
dans les meilleures conditions. Je me demande si l'on a jamais
écrit un recueil de poèmes sur des assassins. Si ce n'est pas
le cas, j'aimerais en écrire un.
Caligula, Justinien - on pourrait faire des volumes rien que
sur les derniers empereurs romains.
Mais qu'y a-t-il de plus terrible que la mort d'un enfant ?
Le dernier poème porterait sur Dan White, le tueur aux
Twinkies,
& son amour pour la verte Irlande, à la beauté terrible.
Quand j'ai appris que le crâne de ma femme avait été écrasé
par un camion, ma tête
a nagé comme un sablier percutant un téléviseur. Toutes les
chaînes ont disjoncté.
Les grillons faisaient un raffut digne de Halloween & je me
souviens avoir expliqué l'événement
à notre fille de deux ans à l'aide d'un livre de Babar.
La maman de Babar a été tuée par un méchant chasseur &
aujourd'hui encore ça fait de la peine à Alysia.
Nous prenons nos distances pour nous protéger, portons des
écharpes quand il fait froid.
ce qui paraît le plus saugrenu dans notre autobiographie est
ce qui s'est vraiment passé.
Seules les circonstances font de la mort un événement
terrible.
Elle a rêvé que notre aquarium se brisait & que tous les
poissons...
On ne devrait pas être obligé de se brûler la main chaque
jour pour sentir le mystère du feu.
(poème de Steve Abboth, écrivain et militant homosexuel, lu par sa fille Alysia le jour de ses funérailles)
***
Veuf, pédé et père d'une gamine de deux ans, Steve Abboth l'éleva seul dans le quartier de Haight-Ashbury (San Francisco) au coeur des seventies avant de mourir du sida.
De leur vie de fauchés, ponctuée de déménagements, de fêtes et de lectures de poésies, Alysia Abboth a couché un livre émouvant : Fairyland, dont Lilith - qui aurait adoré avoir un papa comme le sien - ne résiste pas au plaisir de citer un extrait :
De leur vie de fauchés, ponctuée de déménagements, de fêtes et de lectures de poésies, Alysia Abboth a couché un livre émouvant : Fairyland, dont Lilith - qui aurait adoré avoir un papa comme le sien - ne résiste pas au plaisir de citer un extrait :
(photographies : Lilith Jaywalker)
" Bien vite, nous passions plusieurs soirs par semaine à Cloud House. Je me trouvais dans un coin, sur un coussin délavé par le soleil où papa m'installait avec du papier et des crayons de couleur. Je dessinais des maisons-nuages cotonneuses et des gratte-ciel-nuages, tous peuplés d'habitants empressés qui arrivaient à dos d'oiseau. Kush accrochait mes dessins aux fenêtres, si bien que, chaque fois que j'entrais à Cloud House, j'avais l'impression que c'était aussi ma maison.
Tant de soirées de mon enfance se sont déroulées dans ces salles combles où se faisait le calme, dans l'attente que le silence soit transpercé par des chapelets de mots étranges. Il était rare que j'arrive à suivre ce qui était lu. Pour moi, ce n'était qu'un bruit de fond, la bande-son de mes curieuses errances, à feuilleter les livres sur les rayonnages, ou à chercher les bandes dessinées Garfield et Snoopy que j'avais apportées. D'autres fois, le rythme régulier et répétitif des lecteurs, la chaleur et le ton des différentes voix me faisaient l'effet d'une berceuse. Je grimpais sur les genoux de papa et m'assoupissais, apaisée par le mouvement de sa respiration, sa maigre et chaude poitrine que j'écoutais, et qui vibrait au fil d'une conversation animée. Pour rien au monde je n'aurais voulu être ailleurs.
Les lectures à Cloud House étaient souvent suivies d'un dîner à la fortune du pot. Les adultes buvaient généralement plus que de raison, emplissant les lieux de leur fumée de cigarette et de marijuana, ils récitaient des poèmes puis commentaient et argumentaient.
Poète n°1 : " Pour que la poésie touche les gens, il faut qu'elle leur parle personnellement, afin d'étendre leurs rêves. La poésie contestataire donne des oeillères. "
Poète n°2 : " Mais s'il n'y a pas de poésie révolutionnaire, il est possible qu'il n'y ait jamais de poésie ! "
Poète n°3 : " Je vois le magnétophone comme l'arme par excellence. Il faut qu'on sorte avec les magnétophones et qu'au lieu de passer de la disco on fasse écouter de la conscience ! "
Papa et moi rentrions toujours tard de ces soirées. On regagnait nos lits respectifs en trébuchant et, le lendemain matin, on se réveillait comme on pouvait, on franchissait le seuil en vitesse, une nouvelle fois en retard pour l'école. "
samedi 31 octobre 2015
PIR to pire
Parce que Lilith pense que les mots ont encore un sens, elle ne croit pas davantage aux « glissements » du Parti des Indigènes de la République (PIR) qu’aux dérives du capitalisme. Et il n’y a pas plus de racialisme matérialiste que de marché vertueux. Racialisation et libéralisme sont intrinsèquement liés à leurs supposés dévoiements, que seuls(es) des sophistes – insolubles dans le communisme – peuvent ingénument prétendre découvrir.
La « marche des dignités contre le
racisme » est une injure à l’intelligence, et Lilith ne quittera donc pas son
lit. Mais puisqu’aujourd’hui, après la fête des mères et autres journées de la
Femme, c’est la journée de la Race qui est à l’honneur, bonne âme, elle tient
quand même, ici, à témoigner de sa participation :
« Race (sa, ta) : Définitions : (….) - Faire,
défoncer, éclater, mettre, niquer sa race :
indéniable contribution à la richesse de la langue française qui signifie
frapper quelqu’un. – Autres acceptions : Arrache ta race ! : veuillez quitter les lieux sans tarder. Variante :
casse-toi pauv’ con ! Ferme ta race ! : je vous demande de vous taire. Sa
race ! : je suis de très
mauvaise humeur aujourd’hui. Sa race, c’bouffon ! : cet individu m’exaspère considérablement. S’en
battre la race : se
désintéresser totalement d’un problème métaphysique. Transpirer sa race : être terrifié au plus haut degré. Restent les
insultes diverses. Putain d’enculé d’ta race ! : homosexuel d’une ethnie méprisable qui se
livre à la prostitution. Sale bouffon d’sa race ! : encore plus bouffon qu’un simple bouffon. Ta
mère la salope à quatre pattes qui suce sa race ! : mère de famille aux mœurs légères dotée d’une
souplesse remarquable. Va niquer ta race, sale bâtard ! : je ne t’aime pas, mais je respecte ta vie
sexuelle.
»
mardi 27 octobre 2015
Ni homme ni femme, bien au contraire…
Gaieté hermaphrodite, Félicien Rops (1890).
Une décision du tribunal de grande instance de Tours, prise au cœur de l’été dernier (20 août 2015), et non commentée jusqu’ici, vient d’être révélée par les médias qui la présentent comme une « bombe lancée à la face de notre code civil » (dixit Libé).
Il
s’agit de mettre enfin dans une case juridique (le Droit ayant horreur du
vide), les hermaphrodites, intersexués et autres trans-genres. Ces êtres qui
naissent avec des attributs à la fois masculins et féminins, mais dans des
proportions inhabituelles pour qu’on puisse d’emblée (en l’espèce : à la
naissance), les classer dans un genre. Or, il est indispensable, dans une
société régie par les diktats des monothéismes et du libéralisme, d’attribuer
un sexe à un nouveau-né, pour le conditionner dès son plus jeune âge à son
futur rôle d’adulte, dévolu par son genre. On n’élève pas de la même manière un
petit garçon et une petite fille, leurs jeux, leurs centres d’intérêts, leurs
droits et devoirs, leurs fréquentations et leurs tenues vestimentaires devant
différer, de façon à les préparer à leur mission prochaine de reproducteurs
(trices) et consommateurs (trices), dans l’intérêt du marché.
C’est ainsi que les
médecins, affolés, somment les parents d’attribuer un « sexe d’élevage »
à leur enfant intersexué. Et pour les aider à ce que ce choix prenne forme – au
sens sale du terme (il s’agit quand même de fabriquer des quéquettes et des
zézettes) – ils jouent les docteurs Mengele et font subir aux enfants toutes
sortes de mutilations, les jetant dans un monde de souffrance pour parvenir, à
l’adolescence, à une destruction totale de leurs organes génitaux de naissance,
au profit de pseudo-pénis ou pseudo-vagins souvent restés, ou devenus,
improductifs, mais surtout, désormais, inaptes à les faire jouir.
La
terminologie étant capitale selon ce qu’on veut dissimuler ou faire apparaître,
la novlangue a substitué le mot d’intersexué à celui d’hermaphrodite, privant le premier des avantages du second.
L’antique hermaphrodite, l’androgyne, fils d’Hermès et d’Aphrodite, supposait
un être à deux sexes, doté à la fois de formes masculines et féminines. La
mythologie n’ayant que faire des modes de reproduction de ces êtres
légendaires, les filiations se succédèrent sans souci de crédibilité.
Aujourd’hui que la Grèce est sous tutelle et que la Présidente du FMI lui
impose de se comporter en « adulte », il était temps qu’elle
apprenne, enfin, comment on fait les bébés, et qu’elle admette que ces êtres,
aussi beaux soient-ils, sont de piètres reproducteurs. Et voilà comment les
hermaphrodites passent du tout / tout (tout à la fois homme et femme), au ni /
ni (ni homme ni femme).
Tant que la première
mission de l’être humain, lors de son séjour sur Terre, sera de s’y reproduire
pour perpétuer l’espèce, tant que la femme nullipare sera considérée comme
inaccomplie dans sa féminité, la sexualité sera réduite à sa simple fonction
reproductrice. Or, plaisir et procréation, s’ils ne sont pas antinomiques, sont
à tout le moins dissociables.
Si on leur foutait la paix
et les laissait grandir sans mutilations ni injections d’hormones, les
hermaphrodites pourraient être de merveilleux amants et amantes, forts de cette
dualité leur offrant une approche, in situ, des désirs à la fois masculins et féminins. Ils auraient toute
l’enfance et l’adolescence pour découvrir leur corps, le toucher, le caresser,
l’apprivoiser, sentir là où ça leur fait du bien, cultiver une apparence plus
proche des critères masculins ou féminins, si tel devenait leur choix, ou ériger
en canon de beauté leur ambivalence sexuelle… Bref, faire ce que font tous les
enfants avec ce que la nature leur a donné, car il n’est pas plus simple – pour
qui n’est pas doté que du seul cerveau reptilien – d’être né garçon, fille ou
hermaphrodite.
Alors,
NON ! L’avènement juridique du genre NEUTRE n’est pas une avancée !
Le
neutre est, en linguistique, le genre donné à une catégorie grammaticale dans
laquelle se rangent les noms d’objets ou d’êtres étrangers à l’attribution d’un
sexe et, formellement, les noms qui ne présentent pas les caractéristiques du
masculin et du féminin (Petit Robert). Le genre neutre, c’est donc l’ancrage de l’hermaphrodisme dans le
règne du ni / ni. Le neutre est défini comme celui qui se tient à l’écart des
conflits, qui ne prend pas parti, qui n’est ni positif, ni négatif. La teinte
neutre est indécise, sans éclat. Le neutre est dépourvu de passion,
d’originalité, il reste froid, détaché, inexpressif (toujours Robert). En langage militaire et policier, neutraliser un
individu, c’est s’en saisir, l’entraver, l’immobiliser.
Alors
qui, raisonnablement, peut s’enorgueillir d’être neutre ? Pour Victor Hugo
« en temps de révolution, le neutre est impuissant », et quand bien
même celle-ci ne serait pas pour ce soir, il n’est pas question de priver les
hermaphrodites de cette explosion de joie future. C’est pourquoi, face au
neutre, Lilith propose une alternative : ajouter aux genres masculin et
féminin, ceux de mascufem et fémiculin, selon que les
hermaphrodites préfèreraient mettre en avant un sexe plutôt que l’autre. Quatre
genres au lieu de deux, voilà comment enrichir l’humanité sans se plier à
l’injonction de se reproduire...
lundi 12 octobre 2015
IKÉA : le sens du partage...
" Et il est facile de voir ce qui est à qui."
(Extrait du catalogue IKEA 2015-2016, p. 45.
Sous-titre : " L'harmonie en colocation")
mardi 6 octobre 2015
dimanche 27 septembre 2015
Silencio ! On détourne !
Maîtresse Françoise
Invitée par un membre du jury qu'elle ne connaissait jusqu'ici qu'épistolairement, Lilith, toujours curieuse, s'est rendue, jeudi dernier, à la remise du prix Sade 2015.
Le
flyer noir indiquait un lieu : le Silencio, et une heure : 19 h 30 précises.
Ponctuelle,
Lilith arriva au 142 de la rue Montmartre, à Paris, devant un mur noir, dénué
de toute enseigne, embrassant largement l'angle de la rue, jusqu'à une petite
porte donnant sur un escalier à peine éclairé, menant au troisième sous-sol de
l'édifice.
Un
homme, caché dans la pénombre, et une question avant d'entrer : un sésame...
–
Quel évènement vous amène ?
–
Le prix SADE.
–
Je vous en prie, descendez...
Un
frisson parcourut l'échine de Lilith, se remémorant, à cet instant, la scène de
Eyes Wide Shut où un majordome
demande à Tom Cruise le mot de passe de la soirée masquée.
Un
club dans les tréfonds de la capitale, presque aux portes de l'enfer, ça
devenait excitant et semblait – jusque là – adapté à l'exhumation du divin
marquis.
Les
murs de l'escalier étaient parsemés de photographies en noir et blanc de Jorge
Amat, artiste dont une oeuvre originale serait remise à l'heureux(se)
gagnant(e) du prix. Lilith decendait religieusement chaque marche en se
demandant ce qui l'attendait en bas.
Ce
fut d'abord un comptoir derrière lequel une jolie jeune femme la délesta de six
euros pour avoir la délicatesse et la non moins grande obligeance d'entasser,
derrière elle, son sac et son blouson. À trois euros la pièce, encore une
chance que Lilith eût oublié son parapluie et ne portât pas encore l'écharpe et
les gants qui ne la quittent pas de l'hiver. Elle fit quelques pas avant de
pénétrer dans un dédale de salles aux plafonds bas, d'alcôves désertes,
agrémentées de quelques poufs et canapés en cuir noir, et deux bars, dont l'un
était fermé. La plus grande pièce faisait office de salle de spectacles, dotée
d'une scène au dessus de laquelle un rideau pourpre était encore dressé. Le
lieu, manifestement trop grand pour le nombre d'invités, consu et décoré par
David Lynch, était chic et froid : des miroirs, des dorures et du noir,
toujours du noir...
Lilith
aurait dû savoir que seuls les ploucs arrivent à l'heure, les guest stars se font toujours attendre... Celles et ceux, qui,
comme elle, avaient respecté la consigne horaire, se pressaient autour de
l'unique bar. Elle en fit autant et commanda un verre de blanc. Onze euros !
lui asséna le barman en lui tendant son verre de Chardonnay avec un grand sourire. Putain ! se dit Lilith, en
voilà un qu'il va falloir déguster... Elle le sirota en déambulant au milieu
des mondanités, jusqu'à ce que le rideau s'ouvre et que le jury apparaisse. Les
noms des primés furent révélés : deux ex-aequo, cette année, et un prix spécial
document. L'oeuvre offerte n'étant pas prévue pour deux lauréats, les gagnants
se la partageraient donc, à raison d'un mois chacun ! (cool, voilà qui va
créer des liens...). Il se trouvait
que c'était également l'anniversaire de Catherine Robbe-Grillet, membre du
jury. On lui offrit deux bougies à souffler, mais nonobstant les
quatre-vingt-cinq ans de la dame, aucun bouchon de champagne ne péta, et en quelques
minutes l'affaire fut expédiée. Le rideau se referma et tout le monde retourna
au bar en comptant ce qui lui restait de billets au fond du porte-monnaie...
Lilith,
qui s'ennuyait à mourir, se demanda alors si elle ne s'était pas trompée d'événement,
la prestation ressemblant davantage à ce qui aurait pu être organisé en hommage
à Sade, oui, mais plutôt la diva
des musiques d'ascenseur et son Smooth operator. Sa beauté glacée, son manque d'émotion et son look fashion
week eussent été, en effet, plus
adaptés au lieu que la dépouille du marquis, à qui l'on avait cousu les poches,
le privant ainsi du plaisir d'offrir à ses invités une belle soirée d'ivresse
et de débauche.
Avant
de repartir, aussi sobre qu'à son arrivée, Lilith eut l'occasion d'échanger
quelques mots avec un Jean Streff très sollicité, mais surtout, de faire la
connaissance d'une sexagéniale blonde
moulée dans un fourreau noir, une dominatrice répondant au doux nom de
Maîtresse Françoise, auteure d'une autobiographie éponyme, sous le nom de plume
d'Annick Foucault, par ailleurs grande amatrice de Gilles Deleuze. Celle-ci se
plaît à comparer le vampire à la femme fatale : sitôt percés, dit-elle, l'un et
l'autre disparaissent. Gageons qu'il n'en sera pas de même pour le prix Sade. Et
à sa décharge, disons – bonnes joueuses – que le choix du Silencio, et sa conception pour le moins élitiste de l'open
bar, ne fut qu'une ponctuelle et
regrettable erreur de casting...
***
Lauréats du prix Sade 2015 :
- Audrée Wilhelmy pour Les sangs.
- Jean-Noël Ortango pour La Fleur du Capital.
- Grande Encyclopédie des homosexualités : trois milliards de pervers.
samedi 19 septembre 2015
lundi 14 septembre 2015
No one is innocent
(" L'épouvante est le rêve
ordinaire de l'économie ", Raoul Vaneigem)
" La
vie est le crime inexpiable dont la société marchande perpétue le châtiment...
On ne lutte pas contre la culpabilité en culpabilisant. Ce qui ne se fonde pas
sur la réalisation de la vie se fonde sur la réalisation de la faute. "
(Le livre des plaisirs, Raoul Vaneigem)
dimanche 6 septembre 2015
Et avec ça, qu'est-ce que je vous mets ?
« Je suis né en province d'une famille de la petite bourgeoisie, de cette brave petite bourgeoisie, économe et vertueuse, dont on vous apprend, dans les discours officiels, qu'elle est la vraie France... Eh bien ! Je n'en suis pas plus fier pour cela.
Mon père était
marchand de grains. C'était un homme très rude, mal dégrossi et qui s'entendait
aux affaires, merveilleusement. Il avait la réputation d'y être très habile, et
sa grande habileté consistait à "mettre les gens dedans", comme il
disait. Tromper sur la qualité et sur le poids, faire payer deux francs ce qui
lui coûtait deux sous, et, quand il pouvait, sans trop d'esclandre, le faire
payer deux fois, tels étaient ses principes. Il ne livrait jamais, par exemple,
de l'avoine, qu'il ne l'eût, au préalable, trempée d'eau. De la sorte, les
grains gonflés rendaient le double au litre et au kilo, surtout quand ils
étaient additionnés de menu gravier, opération que mon père pratiquait toujours
en conscience. Il savait aussi répartir judicieusement, dès les sacs, les
graines de nielle et autres semences vénéneuses, rejetées par les vannages, et
personne, mieux que lui, ne dissimulait les farines fermentées parmi les fraîches.
Car il ne faut rien perdre dans le commerce, et tout y fait poids. Ma mère,
plus âpre encore aux mauvais gains, l'aidait de ses ingéniosités prédatrices
et, raide, méfiante, tenait la caisse comme on monte la garde devant l'ennemi.
Républicain
strict, patriote fougueux – il fournissait le régiment –, moraliste intolérant,
honnête homme enfin, au sens populaire de ce mot, mon père se montrait sans
pitié, sans excuses pour l'improbité des autres, principalement quand elle
portait préjudice. Alors, il ne tarissait pas sur la nécessité de l'honneur et
de la vertu. Une de ses grandes idées était que, dans une démocratie bien
comprise, on devait les rendre obligatoires, comme l'instruction, l'impôt, le
tirage au sort. Un jour, il s'aperçut qu'un charretier, depuis quinze ans à son
service, le volait. Immédiatement, il le fit arrêter. À l'audience, le
charretier se défendit comme il put.
– Mais il
n'était jamais question chez monsieur que de mettre les gens "dedans".
Quand il avait joué "un drôle de tour" à un client, monsieur s'en
vantait comme d'une bonne action. "Le tout est de tirer de l'argent
disait-il, n'importe d'où et comment on le tire. Vendre une vieille lapine pour
une belle vache, voilà tout le secret du commerce"... Eh bien, j'ai fait
comme monsieur avec ses clients... Je l'ai mis dedans...
Ce cynisme fut
fort mal accueilli des juges. Ils condamnèrent le charretier à deux ans de
prison, non seulement pour avoir dérobé quelques kilogrammes de blé, mais
surtout parce qu'il avait calomnié une des plus vieilles maisons de commerce de
la région... Une maison fondée en 1794, et dont l'antique, ferme et proverbiale
honorabilité embellissait la ville de père en fils.
Le soir de ce
jugement fameux, je me souviens que mon père avait réuni à sa table quelques
amis, commerçants comme lui et, comme lui, pénétrés de ce principe inaugural
que "mettre les gens dedans", c'est l'âme même du commerce. Si l'on
s'indigna de l'attitude provocatrice du charretier, vous devez le penser. On ne
parla que de cela, jusqu'à minuit. Et parmi les clameurs, les aphorismes, les
discussions et les petits verres d'eau de vie de marc, dont s'illustra cette
soirée mémorable, j'ai retenu ce précepte, qui fut pour ainsi dire la moralité
de cette aventure, en même temps que la synthèse de mon éducation :
– Prendre
quelque chose à quelqu'un, et le garder pour soi, ça c'est du vol... Prendre
quelque chose à quelqu'un et le repasser à un autre, en échange d'autant
d'argent que l'on peut, ça, c'est du commerce... Le vol est d'autant plus bête
qu'il se contente d'un seul bénéfice, souvent dangereux, alors que le commerce
en comporte deux, sans aléa.. »
(Octave Mirbeau, Le
Jardin des Supplices)
jeudi 27 août 2015
Histoire d'A(narchie) : à chacun selon ses besoins, de chacun selon ses soumissions
" Je terminai mon verre, m'en resservis un troisième. Par la baie vitrée, je voyais le soleil se coucher sur les arènes ; le silence devenait un peu embarrassant. Bon, il voulait jouer cartes sur tables, après tout moi aussi.
" Il y a une condition, quand même..." dis-je prudemment. " Une condition qui n'est pas anodine..."
Il hocha lentement la tête.
" Vous pensez... Vous pensez que je suis quelqu'un qui pourrait se convertir à l'islam ? "
Il pencha la tête vers le bas, comme s'il s'abîmait dans d'intenses réflexions personnelles ; puis, relevant son regard vers moi, il répondit : " Oui ".
L'instant d'après il me refit son grand sourire lumineux, candide. C'était la deuxième fois que j'y avais droit, le choc fut un peu moins fort ; mais, quand même, son sourire restait terriblement efficace. En tout cas, maintenant, c'était à lui de parler. J'avalai coup sur coup deux pâtés, maintenant tièdes. Le soleil disparut derrière les gradins, la nuit envahit les arènes ; il était étonnant de penser que des combats de gladiateurs et de fauves avaient réellement eu lieu ici, quelque deux mille ans auparavant.
" Vous n'êtes pas catholique, ce qui aurait pu constituer un obstacle..." reprit-il doucement.
Non, en effet ; ça on ne pouvait pas dire.
" Et je ne pense pas non plus que vous soyez véritablement athée. Les vrais athées, au fond, sont rares.
- Vous croyez ? J'avais l'impression, au contraire, que l'athéisme était universellement répandu dans le monde occidental.
- À mon avis, c'est superficiel. Les seuls vrais athées que j'ai rencontrés étaient des révoltés ; ils ne se contentaient pas de constater froidement la non-existence de Dieu, ils refusaient cette existence, à la manière de Bakounine : " Et même si Dieu existait, il faudrait s'en débarrasser...", enfin c'étaient des athées à la Kirilov, ils rejetaient Dieu parce qu'ils voulaient mettre l'homme à sa place, ils étaient humanistes, ils se faisaient une haute idée de la liberté humaine, de la dignité humaine. Je suppose que vous ne vous reconnaissez pas non plus, dans ce portrait ? "
Non, là non plus, en effet ; rien que le mot d'humanisme me donnait légèrement envie de vomir, mais c'était peut-être les pâtés chauds aussi, j'avais abusé ; je repris un verre de Meursault pour faire passer. "
(Michel Houellebecq, Soumission, p. 250)
***
Il est navrant, mais symptomatique de l'époque formidable que nous traversons, de découvrir sous la plume d'un Houellebecq jouant les visionnaires, ce que nombre d'anarchistes semblent avoir oublié : on ne badine pas avec le " Tout-puissant " : on s'en remet à lui ou on lui pisse à la raie.
Il ne suffit pas de ne pas l'avoir trouvé dans Bonux pour être convaincu qu'il n'existe pas, les sceptiques ne sont pas plus athées qu'un saint-Thomas. Quant aux tolérants qui pensent que chacun fait-fait-fait ce qui lui plaît-plaît-plaît, ou ce qu'il peut-peut-peut avec sa culture et ses traditions, et qu'au final on se retrouvera tous-unis-dans-la-lu-lutte, ils se fourrent le doigt vengeur de " Dieu " dans l'œil. On ne retrouvera jamais la moindre grenouille de bénitier et autres adeptes du textile sombre et enveloppant dans un combat visant à détruire le monde marchand pour placer la réalisation de l'Homme au cœur des préoccupations. Tout simplement parce qu'ils s'accommodent très bien de la marchandise et qu'ils se tapent de l'homme, sans parler de la femme.
Pour nous, c'est maintenant ou jamais que ça se joue, que ça se vit.
Il ne suffit pas de ne pas l'avoir trouvé dans Bonux pour être convaincu qu'il n'existe pas, les sceptiques ne sont pas plus athées qu'un saint-Thomas. Quant aux tolérants qui pensent que chacun fait-fait-fait ce qui lui plaît-plaît-plaît, ou ce qu'il peut-peut-peut avec sa culture et ses traditions, et qu'au final on se retrouvera tous-unis-dans-la-lu-lutte, ils se fourrent le doigt vengeur de " Dieu " dans l'œil. On ne retrouvera jamais la moindre grenouille de bénitier et autres adeptes du textile sombre et enveloppant dans un combat visant à détruire le monde marchand pour placer la réalisation de l'Homme au cœur des préoccupations. Tout simplement parce qu'ils s'accommodent très bien de la marchandise et qu'ils se tapent de l'homme, sans parler de la femme.
Pour nous, c'est maintenant ou jamais que ça se joue, que ça se vit.
Pour eux, la soumission pendant la vie leur ouvre les portes du paradis.
C'est pourtant simple, bordel ! si même Houellebecq l'a compris !..
C'est pourtant simple, bordel ! si même Houellebecq l'a compris !..
samedi 22 août 2015
On n'éjacule pas dans la soupe...
" Le sexe bien fait enrichit la sensibilité esthétique, le sexe mal fait l'intelligence spéculative, et donc les changements de carrière. D'une façon comme d'une autre, ça vaut la peine.
On ne peut attendre que la ruine et la destruction civile de quelqu'un qui, joueur mais démagogue, interdirait la liberté sexuelle si ce n'est dans le but de renforcer son caractère dévastateur et révolutionnaire. Humilier le sexe pour l'humilier vraiment est une constante de tous les systèmes, capitalistes et socialistes, pour canaliser des énergies qui seraient dangereuses si elles étaient employées à contrôler les hiatus idéologiques réels entre les intentions et les résultats, entre les promesses faites et les promesses tenues, entre les programmes et la réalité des faits. Le système, où qu'il soit, récompense les chastes et les transforme en castes - cf. le grand nombre d'homosexuels refoulés au pouvoir. Dans l'optique du pouvoir, celui qui a des préoccupations sexuelles excessives (et la chasteté en est une) fonctionne juste assez pour qu'on puisse l'arrêter à n'importe quel moment et le renvoyer à son point de départ. L'organisation politique, n'ayant rien à craindre de sexuels frustrés, a tout à gagner en les utilisant. Une lesbienne frustrée ou une tapette refoulée peuvent gagner des milliards ou devenir premier ministre ou grand commis de quelque chose - ou continuer, d'ailleurs, à souffrir de la faim en repus - mais jamais ils n'invalideront le système qui les a intégrés, non pas, comme ils le croient, malgré mais grâce à leur vice négociable, et, neurasthéniques bien évidemment, ils doivent dépenser toute leur énergie pour conquérir comme un privilège ce qu'ils n'ont pas été capables d'imposer comme un droit naturel : le fait d'être eux-mêmes, autrement dit, la sérénité comme authentique passion politique. Ce sont les homocrates classiques ressuscités par l'enculade oligarchique indirecte. "
(Aldo Busi, Sodomie en corps onze)
dimanche 26 juillet 2015
NO means NO (2)
Le jardin des délices, de Jérôme Bosch (détail)
« Une carte du monde sans le pays d'Utopie
ne mérite pas d'être prise en considération. »
(Oscar Wilde)
samedi 18 juillet 2015
Dans le monde réellement renversé, le NON n'est qu'un moment du OUI.
Lilith a espéré que le peuple grec dise NON et son voeu a été exaucé. Mais son plaisir n'aura été que de courte durée, juste le temps de ne pas oublier que décidément il n'y a rien à attendre des urnes et qu'elle fait bien de ne jamais voter. Celles et ceux qui, en France, avaient dit NON au Traité Constitutionnel Européen se sont aussi, en leur temps, bien fait foutre de leur gueule.
Pourtant, à la Vouli (l'Assemblée) la présidente du parlement Zoé Konstantopoulou a refusé de valider " l'accord " signé par Tsipras. Moquée pendant son discours, elle a essuyé les manifestations de haine, les vannes graveleuses et les insultes sexistes qui fusaient de tous bords. Il aura donc fallu une femme pour rappeler ce que beaucoup n'ont jamais voulu comprendre : NO means NO !
Pourtant, à la Vouli (l'Assemblée) la présidente du parlement Zoé Konstantopoulou a refusé de valider " l'accord " signé par Tsipras. Moquée pendant son discours, elle a essuyé les manifestations de haine, les vannes graveleuses et les insultes sexistes qui fusaient de tous bords. Il aura donc fallu une femme pour rappeler ce que beaucoup n'ont jamais voulu comprendre : NO means NO !
dimanche 5 juillet 2015
Le sot dans l'inconnu
Solidarity for ever ! Le vrai LGSM en tête de la Gay Pride (Londres, 1985).
Hier,
la soirée était chaude et Lilith avait envie de fraîcheur. Elle s'installa
devant une bonne bière et un DVD : Pride, qui lui firent un bien fou. Une semaine plus tôt, Paris avait vu défiler
une Gay Pride consumériste et
sponsorisée qui, année après année, perd un peu de sa superbe.
Pride, c'est une histoire de pédés et lesbiennes qui
décident d'apporter leur soutien financier (11 000 £ au total !) aux mineurs en grève sous l'ère Thatcher,
au Pays de Galle, en 1984. Et c'est une histoire vraie... À quelques un(e)s,
ils fondèrent le LGSM (Lesbians
and Gays Support Minors) sur une idée
simple : les lesbiennes et les gays subissent le mépris, l'oppression et la
répression du gouvernement et de sa police ; les mineurs aussi, alors,
soutenons-les ! Pride raconte
l'épopée du débarquement de ces aliens dans une salle de bal de Dulais,
village choisi au hasard sur une carte routière, après s'être fait raccrocher
au nez par bon nombre de sections syndicales de mineurs à la simple évocation de
leur sigle. Ce film de Matthew Warchus est un véritable concentré de sensations, fait
d'audaces, d'engagements politique, d'amours, de luttes. On rit, on pleure, et
à nouveau on vit, et on se rappelle que faire l'Histoire ne tient pas à grand-chose...
C'est
comme ça qu'après un accueil glacial, au fil des mois, de véritables amitiés se
scellèrent entre les membres du LGSM
et les mineurs, leurs mères, leurs femmes, leurs soeurs, le comité de soutien des grévistes, et que plus
rien ne resta comme avant. Un an plus tard, une caravane d'autocars chargés à
craquer de mineurs vint – à son tour – soutenir les Pervers (nom dont les avait affublés la presse locale), et des
centaines de mineurs, en grande pompe, section par section, avec drapeaux et
banderoles du syndicat, prirent la tête de la Gay Pride, à Londres, en 1985...
Aujourd'hui,
dimanche 5 juillet 2015, il fait, à Paris, aussi chaud qu'hier, et Lilith a
encore envie de fraîcheur. De celle, comme la veille, que l'on perçoit quand
l'espoir d'une alternative à ce monde existe, celle qui laisse la place aux
idées et ne nous fige pas dans ce présent oppressant, qui se voudrait éternel.
Alors, ce soir elle espère que le NON l'emportera en Grèce, et nous apportera
cet air frais qui nous manque... Cet air dont tous les technocrates ont peur :
ce "saut dans l'inconnu" (dixit ce fromage fondu de Hollande, qui a bel et bien oublié que pour en finir
avec la monarchie absolue, d'autres, en leur temps – et Lilith leur en sait gré
– ont sauté dans l'inconnu).
Alors,
à tous ceux qui partagent cette peur du NON : qu'ils se rassurent, ce ne pourra
être que du bonheur : soudain, un inconnu vous offre des fleurs !
Bread
and roses...
La " bataille d'Orgreave " (South-Yorkshire, 1984)
samedi 27 juin 2015
Si c'est lui qui le dit...
Martin Bouygues, idéaliste.
« Tout n'est pas à vendre... Tout n'est pas une histoire d'argent... »
(Martin Bouygues, réagissant à la tentative de rachat de son entreprise par SFR, 25 juin 2015)
lundi 15 juin 2015
Le juste prix
« Je reconnais avoir reçu de Monsieur Dupuy la somme de deux mille livres, pour le montant d'un nègre nommé César agé (sic) d'environ quarante cinq ans, de nation Congo que je lui ai vendu et livré, il s'est reconnu en possession après l'avoir vu et visité. »
(Reçu daté du Cap, le 15 septembre 1790, d'Arnaud Cornet à Jean Dupuy (1763-1823, commandant du port de l'île de la Tortue puis capitaine de goélette et propriétaire à Saint Domingue)
Ici, esclave.
Là, salarié.
Ailleurs, investissement immobilier :
Intemporelle ignominie
de la linguistique marchande...
(L'autographe ci-dessus est aujourd'hui mis à prix aux enchères pour 1200 € : on prend les mêmes, et on recommence...)
mercredi 10 juin 2015
L'égalité : c'est simple comme un coup de dés...
Les escaliers d'or (Edward Burne-Jones, 1880)
« Musique, danse, art dramatique... Chaque année, les conservatoires municipaux enseignent aux Parisiens de nombreuses disciplines destinées à éveiller leur sensibilité artistique. Pour la rentrée 2015-2016, les premières inscriptions se feront par tirage au sort, et seront ainsi accessibles à tous et de façon équitable. »
(in Le magazine de la Ville de Paris, Été 2015).
(in Le magazine de la Ville de Paris, Été 2015).
... Il suffisait d'y penser !
samedi 6 juin 2015
Antre soi
Le poète voyageur (Gustave Moreau)
« Le camion n'est plus qu'un point. Je suis seul. Les montagnes m'apparaissent plus sévères. Le paysage se révèle, intense. Le pays me saute au visage. C'est fou ce que l'homme accapare l'attention de l'homme. La présence des autres affadit le monde. La solitude est cette conquête qui vous rend jouissance des choses. »
(Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, p. 36)
dimanche 24 mai 2015
SDF : un frisbee c'est un droit !
Alors
qu'on nous promet une loi visant à faire du squat un délit, l'association Un
ballon pour l'insertion prend les SDF
pour des cons, relayée par un Libé (24/04/15)
dégoulinant d'admiration pour la bonne idée et non moins bonne intention : emmener
un échantillon de gueux "pour une semaine intensive" de remise à niveau physique, en oubliant la picole,
le tout dans le Calvados !
"
Ce jour-là, au programme, c'était frisbee. Un match entre les verts et les rouges...
Cris de joie lorsqu'ils parviennent à marquer un point... Ils se donnent à fond
et terminent en sueur et heureux... (dixit
Libé). C'est une parenthèse
dans leur vie. Nous, on essaie de créer une valeur ajoutée, explique Bennoît
Danneau... (le Gentil Organisateur). Il n'y a pas que le sport dans ces stages de "remobilisation", poursuit Libé. Exemple : réunis autour d'une table, ils
participent à un travail autour du rêve. Ils jouent à "si j'avais 20
ans " (...). Le paradis serait de vivre sans argent tout en pouvant se
satisfaire des nécessités urgentes, rêve Serge (précise Libé). Mais attention : "ce ne sont pas des vacances (faudrait quand même pas exagérer, déjà qu'ils sont en
vacances toute l'année !), il n'y a pas de grasse matinée, pas de fainéants,
tout le monde joue le jeu, c'est ça qui est bien" apprécie celui qui a
choisi les participants (et Libé
avec). J'ai pris des gens
calmes avec qui je suis sûr qu'il n'y aura pas de problèmes... (sic)."
À
la fin du stage, ils n'auront toujours pas de logement, mais ils garderont leur
frisbee, et, s'il pleut, pourront toujours se le mettre sur la tête !
MERCI
QUI ?
samedi 16 mai 2015
Vodkanalyse
« La
vodka ne fait jamais mal lorsqu’on la boit à deux. Le principe du toast a été
inventé par les Russes pour se passer de la psychanalyse. Au premier verre, on
se met en train ; au second, on parle sincèrement ; au troisième, on vide son
sac et, ensuite, on montre l’envers de son âme, on ouvre la bonde de son coeur,
et tout – rancoeurs enfouies, secrets fossilisés et grandeurs contenues – finit
par se dissoudre ou se révéler dans le bain éthylique. »
(Sylvain Tesson, Le phare, in Une vie à coucher
dehors)
jeudi 7 mai 2015
Entrelacifs...
(Photographie : Lilith Jaywalker)
« Il regardait, étonné, ce chaos de plantes et d'arbres. Depuis combien de temps ce jardin était-il laissé à l'abandon ? Çà et là, de grands chênes élancés de travers se croisaient et, morts de vieillesse, servaient d'appui aux parasites qui s'enroulaient entre eux, s'embranchaient en de fins réseaux serrés par des boucles, pendaient, tels que des filets aux mailles vertes, remplis d'une rustique pêche de frondaisons ; des cognassiers, des poiriers se feuillaient plus loin, mais leur sève affaiblie était inerte à procréer des fruits. Toutes les fleurs cultivées des parterres étaient mortes ; c'était un inextricable écheveau de racines et de lianes, une invasion de chiendent, un assaut de plantes potagères aux graines portées par le vent, de légumes incomestibles, aux pulpes laineuses, aux chairs déformées et suries par la solitude dans une terre en friche.
Et un silence qu'interrompaient parfois des cris d'oiseaux effarouchés, des sauts de lapins dérangés et fuyants planait sur ce désordre de nature, sur cette jacquerie des espèces paysannes et des ivraies, enfin maîtresse d'un sol engraissé par le carnage des essences féodales et des fleurs princières.
Mélancoliquement, il songeait à ce cynique brigandage de la nature si servilement copié par l'homme. »
(Huysmans, En rade)
dimanche 26 avril 2015
mercredi 22 avril 2015
Dessine-moi un gauchiste
« Si on laisse entendre qu'on peut rire de tout, sauf de certains aspects de l'islam, parce que les musulmans sont beaucoup plus susceptibles que le reste de la population, que fait-on, sinon de la discrimination ? La deuxième religion du monde, la prétendue deuxième religion de France, ne devrait pas être traitée comme la première ? Il serait temps d'en finir avec ce paternalisme dégueulasse de l'intellectuel bourgeois blanc "de gauche" qui cherche à exister auprès de "pauvres malheureux sous-éduqués". Moi, qui suis éduqué, évidemment, je comprends que Charlie-Hebdo fait de l'humour, puisque, d'une part, je suis très intelligent et, d'autre part, c'est ma culture. Mais, par respect pour vous, qui n'avez pas encore découvert le second degré, je fustigerai solidairement ces dessins islamophobes que je ferai semblant de ne pas comprendre. Je me mettrai à votre niveau pour vous montrer que je vous aime... Et s'il faut que je me convertisse à l'islam pour être encore plus proche de vous, je le ferai ! Ces démagogues ridicules ont juste un énorme besoin de reconnaissance et un formidable fantasme de domination à assouvir. »
(extrait de la Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des communautaristes et des racistes, de Charb, achevée deux jours avant son exécution pour blasphème).
(extrait de la Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des communautaristes et des racistes, de Charb, achevée deux jours avant son exécution pour blasphème).
lundi 13 avril 2015
Lutter pour la séduction des risques
Si
on ne lui avait pas fait cette proposition de rendez-vous à l'espace des
Blancs-Manteaux, où se tenait, les 11 et 12 avril dernier, à Paris, le Printemps
des associations inter-LGBT, Lilith
n'y serait sans doute pas allée, et elle aurait eu tort. Même si elle commença
par rater de peu celui qui motiva sa venue, les flyers et tracts qu'on lui
distribua, et les rencontres qu'elle y fit, furent autant d'occasions de
découvrir ce qu'est devenue la scène LGBT française en ce début d'année 2015.
Une sorte d'état des lieux, en quelque sorte, qui commença, aux alentours de la
halle, par l'accueil d'une discrète, mais néanmoins imposante, présence
policière.
C'est
au cours de sa quête, vaine, que Lilith eut le plaisir de faire la connaissance
de Patrick Cardon, fondateur des éditions Gay Kitch Camp – mémoire
vivante de la pensée et des pratiques homosexuelles, dont il tenait la table –
militant du FHAR au début des années 70 et fondateur, en 1979, de la Mouvance
Lesbienne Folle (MLF), dont il a
conservé la gouaille et la superbe. Cette incomparable et baroque désinvolture,
propre aux pédés-intellos, qui n'hésitent pas à parler cul après quelques
minutes de sérieux, de crainte de provoquer l'endormissement : le leur
comme celui de leur interlocuteur, ce dernier leur fût-il – comme Lilith –
totalement inconnu au prélude de la conversation.
Mais
si Patrick Cardon n'a pas mis d'eau dans son sperme, le discours de beaucoup
d'autres semble avoir changé. Il fut un temps où l'hétéro, s'il était toléré en
ces lieux, n'était pas pour autant recherché. Les gays et les lesbiennes se démarquaient de
l'hétérocentrisme dominant par une indifférence vis-à-vis de ces normopathes dont ils ne souhaitaient – pas plus que cela – la
compagnie. Aussi, quelle n'a pas été la surprise de Lilith de découvrir que si
les Popingays aiment la musique et
la bonne chère, la bière et les belles chairs, ils aiment aussi les filles qui
aiment les filles, les filles qui aiment les garçons, les garçons qui aiment
les garçons et les garçons qui aiment les filles. Ils aiment aussi la pop, le
rock et l'indé. Ils se revendiquent, par ailleurs, militants, aux côtés des Soeurs
de la Perpétuelle Indulgence, des Séropotes, de SOS homophobie, de l'ARDHIS et d'Existrans. L'association
Laissez-nous danser invite à les
rejoindre les gays, lesbiennes, bi, trans, mais aussi les hétéros, au même
titre que les : "petits, grands, trop typés, mal coiffés, à
lunettes ou en chaussures à talons".
Lilith s'est interrogée sur le sens de ce rapprochement, car si d'autres
associations présentes ne gravent pas dans le marbre cette dérive, nombre de celles présentes à cette manifestation,
qu'il s'agisse de faire de la musique ou du théâtre, entendaient mettre à
l'aise, et inviter à les rejoindre, chacun(e), quelles que soient ses préférences
sexuelles.
Lilith
se demande si un cap n'a pas été passé, entre le moment où rien n'était permis
aux homos, mais tout était possible à imaginer, et cette funeste époque que
nous traversons aujourd'hui, où désormais, "tout" est permis (si l'on
exclut la question des enfants) mais plus rien de subversif ne semble possible
: le magasine Têtu adoube un facho
consacré "Mister gay" de l'année, ravi de pérorer qu'être gay n'ancre
plus à gauche. Le mariage homosexuel a vu le jour, en même temps qu'une
recrudescence des agressions anti-pédés. Les religions monothéistes prennent,
ou reprennent, du galon et s'entendent – de concert – à diaboliser la sodomie
comme le saphisme. Les putes furent, dans un récent passé, privées de manif le
8 mars, par l'autorité LGBT, au motif qu'elles participeraient d'une image
dégradante de la femme, et cette année, Act Up, qui les avait alors défendues, s'enorgueillit de
marcher à Belleville aux côtés de femmes voilées…
C'est peut-être pour tout ça, ou à cause de tout ça, que
certaines assoces ne se sentent plus la force, ou l'envie, de se démarquer
frontalement des hétéros. En un sens, cela permet de comprendre que le but
n'est pas tant de se déterminer par ses préférences sexuelles que d'imaginer un
monde sans domination : sexiste, sexuelle, raciste, mais aussi économique.
Quoi qu'il en soit, si aujourd'hui, en France, les droits formels des homos semblent consacrés, leur droit réel à vivre au grand jour leurs amours est loin d'être acquis. La vitrine du Marais, pré carré des gays friqués, ne met plus, même les riches pédés, hors de danger. L'époque est mauvaise, elle est une insulte à l'intelligence. Il ne faut céder sur rien, il faut se battre sur tous les fronts, et ne pas craindre les risques...
Quoi qu'il en soit, si aujourd'hui, en France, les droits formels des homos semblent consacrés, leur droit réel à vivre au grand jour leurs amours est loin d'être acquis. La vitrine du Marais, pré carré des gays friqués, ne met plus, même les riches pédés, hors de danger. L'époque est mauvaise, elle est une insulte à l'intelligence. Il ne faut céder sur rien, il faut se battre sur tous les fronts, et ne pas craindre les risques...
vendredi 10 avril 2015
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