vendredi 19 décembre 2014

Envie d'Ovidie


Ovidie, auteure, réalisatrice, actrice porno et féministe pro-sexe

Invitées par Causette à commenter la dernière diarrhée littéraire du gnome Zemmour, quelques « copines de cœur » du magasine (selon son expression) ont accepté de se farcir la Chose. Si Michelle Perrot, Brigitte Fontaine, Juliette, Brigitte Grésy et Irène Théry ont versé dans le poncif, le consensuel, ou l'outragée tétanisée par le dégoût, il en est une pour nous rappeler quelques vérités qui font plaisir à lire par les temps qui courent, ou plutôt qui reculent…

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« Je ne suis pas surprise par ce que j'ai lu, les discours du type "tout part à vau-l'eau" ont accompagné chaque grande étape de l'émancipation féminine. L'autonomie dans la procréation, l'indépendance financière, la peur de perdre ses prérogatives, ce que les masculinistes appellent "la mort du père" avec des trémolos dans la voix... On ne peut pas demander à une partie de l'humanité de renoncer à son statut de dominant sans réticences, c'est un réflexe compréhensible, presque animal. Il ne faut pas s'affoler en pensant qu'il existerait actuellement une émergence de cette pensée masculiniste : rien de nouveau sous le soleil.
J'ai relu récemment Femmes, de Philippe Sollers, publié en 1983. C'était il y a plus de trente ans, et les idées sont exactement les mêmes, Zemmour n'a strictement rien inventé. Sollers prêchait déjà que les hommes n'étaient plus des "vrais hommes" et que les féministes étaient, en fin de compte, les plus grandes ennemies des femmes. Ce que Zemmour sous-entend également en expliquant que c'est à cause du féminisme que les femmes croulent sous les tâches ménagères et professionnelles. Le déclencheur de l'écriture de Femmes en 1983 avait été la naissance d'Amandine, le premier bébé-éprouvette. Déjà à cette époque, ils étaient terrifiés à l'idée de ne plus être indispensables dans le processus de reproduction. Aujourd'hui, c'est l'affaire du mariage pour tous qui a ravivé cette terreur. Sollers affolait les foules en parlant d'utérus artificiels, aujourd'hui Zemmour prophétise que les homosexuels vont asservir les ventres des femmes avec la GPA (gestation pour autrui). Au fond, ce dont ils ont peur, c'est qu'après avoir utilisé les graines on jette le paquet. »

(Ovidie, dans Causette n° 51, Décembre 2014).

9 commentaires:

  1. Certes Sollers et Zemmour sont des cons misogynes, mais enfin on peut aussi rêver d'émancipation sociale (et donc féminine) sans rêver pour autant de reproduction téchno-scientifiquement assistée (par le marché) et de location du ventre de pauvres.

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  2. La contraception et l'avortement seraient-ils hors-commerce ? Et qui parle nécessairement du ventre des pauvres ? C'est oublier les sœurs et les amies, de même que certains potes rendent service à leurs copines lesbiennes.
    Quant à la procréation dite naturelle, peut-on raisonnablement affirmer avec certitude qu'elle échappe au marché ?

    Mes inreproductifs hommages

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  3. Si contraception et avortement ne sont certes pas hors-commerce, ils ne contribuent cependant pas au marché de l'eugénisme téchno-scientifiquement assisté qui se met en place à travers le secteur florissant et prometteur (d'un point de vue marchand, bien sûr) de l''ingénierie génétique. Ses implications idéologiques et économiques me semblent tellement évidentes que je ne comprends pas qu'il faille encore le souligner. Quant aux sœurs et amies qui permettent à leurs copains homos ou à leurs copines stériles de procréer, ou encore certains potes qui rendent service à leurs copines lesbiennes, je n'ai bien sûr aucune opposition ni de principe, ni morale car dans ce cas il n'y a pas d'échange marchand. Mais ce serait faire preuve d'un grand irréalisme de considérer que la majorité des gestations pour autrui relève de ce cas de figure. Tout le monde sait que la GPA concerne essentiellement les couples occidentaux qui font porter leur progéniture contre rémunération par les ventres de femmes du tiers monde. C'est un rapport de classes, donc, pour parler en terme marxiste. Mais ce rapport marchand lié au corps est de nature différente que la prostitution car dans ce dernier cas, qu'on l'approuve ou qu'on le regrette, même les pauvres vont aux putes.
    Pour finir on peut effectivement reconnaitre avec vous que dans le monde de l'économie marchande la procréation dite naturelle, comme la sexualité non reproductive d'ailleurs (prostitution, clubs, sites de rencontres, etc) n'échappe pas non plus entièrement au marché, mais si je peux me permettre, c'est un truisme qui ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick.

    Mes hommages saphiques

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  4. Chère Justine,

    Cet acharnement contre la PMA et la GPA, au nom de leurs évidentes implications idéologiques et économiques, ne me gênerait pas, s'il n'avait surgi en parallèle (pour ne pas dire au coeur) de la manif-pour-tous, brandissant la nature comme un étendard, dans un rejet commun aux grenouilles de bénitier, toutes confessions confondues, de ce qui est contre-nature.
    N'en déplaise à certains, la nature n'est pas l'absence de contrôle et la liberté, c'est l'exact inverse : le règne du plus fort sur le plus faible, et opposer la nature à la civilisation, c'est avoir mal compris Marx.
    Je ne verse dans aucun angélisme et n'ignore pas ce que l'argent permet, ici ou ailleurs, d'appropriation des corps. Il convient néanmoins de rappeller ceci :
    pour l'instant, en France, le principe de l'indisponibilité du corps humain implique la gratuité du vivant. Le sang, le sperme, les ovules, les organes, ne peuvent faire l'objet d'échanges marchands, et la PMA, pour ceux qui y ont droit, c'est-à-dire les seuls couples hétérosexuels, est gratuite, prise en charge à 100 % par la sécurité sociale, donc, avant ou après avoir été aux putes (pour vous paraphraser), les pauvres, mâles, y ont aussi accès. Il y a lieu de penser que si la GPA venait à être autorisée, en France, elle le serait dans les mêmes conditions. Ainsi la question n'est pas - ici - celle du privilège d'une classe sur l'autre, mais une question, selon qui se la pose, éthique, morale, religieuse, politique, de même que celle de l'euthanasie, son pendant dialectique.
    Pour ma part, je déplore que la seule question posée soit : comment faire des enfants ? plutôt que : pourquoi en faire ? Mais le choix se rapproche toujours plus de la liberté que les empêchements de toutes natures. Et si le droit de vote ne m'était pas donné, je me battrais pour obtenir ce choix de ne pas en user...
    Alors, si relever que le sexe naturel n'échappe pas davantage au marché est un «truisme qui ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick», s'offusquer des conséquences libérales de ces seules avancées technologiques destinées aux couples hétéros stériles, bientôt étendues aux gays et aux lesbiennes, et occulter les trafics d'organes, les milliers de Chinois séropositifs qui ont vendu leur sang pour survivre, et le supermarché mondial où les riches, non seulement louent le ventre des pauvres pour avoir des enfants, mais aussi exploitent les enfants de pauvres en leur faisant fabriquer les basckets des enfants de riches, c'est bloquer le curseur du schmilblick au niveau d'une critique parcellaire et ciblée du monde marchand, dont on peut interroger, pour certains (es), la motivation.
    Et puis, Justine, cette défiance pour la technique, c'est oublier, prolétaire, que la chimie est ton amie !

    Mes garantis-naturels hommages.

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  5. Ma chère Lilith, accordez-moi le fait que ne pas avoir évoqué "les trafics d'organes, les milliers de Chinois séropositifs qui ont vendu leur sang pour survivre, et le supermarché mondial où les riches, non seulement louent le ventre des pauvres pour avoir des enfants, mais aussi exploitent les enfants de pauvres en leur faisant fabriquer les basckets des enfants de riches" n'implique pas nécessairement que je veuille les occulter car à ce compte là je pourrais aussi vous reprocher d'occulter le trafic sexuel des enfants dans les pays du tiers monde pour la seule raison que vous n'en avez pas parlé. Vous avez bien sûr raison en évoquant tous ces problèmes sociaux, mais à mon sens les évoquer (et on doit en oublier sans doute) ne fait pas plus avancer le schmilblick tant ils sont de notoriété publique.
    Pour ma part je ne place pas ce débat sur le terrain du "nature versus contre nature" mais sur le terrain de la liberté humaine qui se défie de la dépendance à l'égard d'instances techno-scientifiques privées ou publiques qui finissent par déterminer une partie de plus en plus notable de nos existences sans que jamais nous n'ayons été consultés à leur sujet. Pour les mêmes raison je m'oppose au nucléaire et à beaucoup d'autres choses encore (ceci dit pour vous éviter de m'accuser d'occulter quoique ce soit).

    Cela étant dit, et en raison même de nos divergences sur ce sujet particulier (pas dans sa totalité d'ailleurs car je déplore avec vous que "la seule question posée soit : comment faire des enfants ? plutôt que : pourquoi en faire ?") je vous rends, chère Madame, tous les hommages libertaires et libertins auxquels vous avez droit.

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  6. Chère Justine,

    Nos divergences cachent une plaisante révélation : je ne voyais jusqu'ici que Pauline, partout, et Justine nulle part, il y en aurait donc une ?

    Mes enthousiastes hommages

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  7. Mais ma chère, bien sûr que Justine existe, elle est partout, cachée au cœur de nos désirs les plus secrets, les plus inconscients, même, lovée dans les endroits les plus inattendus, toujours attentive et prête à interpréter le monde pour mieux en jouir et le subvertir.

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  8. La bonne question est en effet celle-ci , pourquoi se retrouver avec ses propres enfants alors que , d'une part il est important de pouvoir adopter , pour les couples que le rôle de Parents obsède , que d'autre part il me semble important de remettre en cause ce rôle de parents et donc remettre en cause la procréation (assistée ou pas).

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