mercredi 22 avril 2015

Dessine-moi un gauchiste

« Si on laisse entendre qu'on peut rire de tout, sauf de certains aspects de l'islam, parce que les musulmans sont beaucoup plus susceptibles que le reste de la population, que fait-on, sinon de la discrimination ? La deuxième religion du monde, la prétendue deuxième religion de France, ne devrait pas être traitée comme la première ? Il serait temps d'en finir avec ce paternalisme dégueulasse de l'intellectuel bourgeois blanc "de gauche" qui cherche à exister auprès de "pauvres malheureux sous-éduqués". Moi, qui suis éduqué, évidemment, je comprends que Charlie-Hebdo fait de l'humour, puisque, d'une part, je suis très intelligent et, d'autre part, c'est ma culture. Mais, par respect pour vous, qui n'avez pas encore découvert le second degré, je fustigerai solidairement ces dessins islamophobes que je ferai semblant de ne pas comprendre. Je me mettrai à votre niveau pour vous montrer que je vous aime... Et s'il faut que je me convertisse à l'islam pour être encore plus proche de vous, je le ferai ! Ces démagogues ridicules ont juste un énorme besoin de reconnaissance et un formidable fantasme de domination à assouvir. »

(extrait de la Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des communautaristes et des racistes, de Charb, achevée deux jours avant son exécution pour blasphème).

9 commentaires:

  1. Bordel... le niveau zéro de la réflexion... Tout ça pour justifier l'humour de droite relayé au coup par coup par Charlie depuis plus d'une décennie. Le "ni dieu ni maître" a bon dos quand il sort de la bouche des maîtres ou de leurs bouffons. Surtout quand il cache juste de la haine envers le lumpen, ce mépris du populo tellement visible dans les pages de l'hebdo qu'il en rendait le feuilletage pénible par un oeil habitué à la diversité de ce que le "politiquement correcte" appelle "les quartiers populaires". L'athéisme militant ce n'est foncièrement pas d'hurler avec les loups racistes.

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  2. Pas d'inquiétude : le niveau paroxystique de la "réflexion" qu'il s'est pris en pleine gueule lui a définitivement ôté toute velléité de " hurler " - avec quiconque d'ailleurs. Maintenant qu'il a tout bien compris, il ne recommencera plus...

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  3. Vous mélangez les torchons et les soviets très chère. J'ai certes compris, aux réactions suscitées entre autres par mon coup de tristesse/gueule écrit dans la nuit du 8 au 9 janvier (cf "Charlie Akhbar!"), que la pensée dialectique -c'est-à-dire tout sauf binaire- n'était plus de mise, mais venant de vous, un tel raccourci m'émeu, voire me scie les pattes, ce qui est triste pour un émeu. Bref, c'est pas parce que je conchis la lâcheté assassine de siphonnés intégristes qu'il ne me resterais qu'à applaudir béatement les raccourcis malodorants de leurs victimes raccourcies.
    Et malgré les efforts de vocabulaire du Moine sur un site conjoint, je m'en tiens à une position de (défense de ma) classe, fusse-t-elle partiellement égarée dans quelques rêves opiacés.

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  4. Très cher Ibibi, défendre notre classe ne vaut que pour la faire disparaître : aimer les pauvres n'est pas aimer la misère, ce n'est pas aimer les cités-dortoirs dans lesquelles on les entasse, ce n'est pas aimer les boulots de merde qui leur sont réservés, ni la précarité à laquelle on les destine. Ce n'est pas non plus aimer - ni même accepter - leurs aliénations, sinon à quoi bon se battre ? S'ils ont déjà tout ce qu'il y aurait lieu d'aimer ?

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  5. Tout à fait d'accord. Mais c'est aussi déceler la vraie nature de certaines attaques (et je dis bien certaines) qui cachent, sous couvert d'athéisme ou juste de laïcité, une simple et raciste haine des pauvres-arabes-noirs-issus de l'immigration post-coloniale. Pour paraphraser un des récents commentaires du Moine, le tout est de ne pas avancer masquer. Tous mes amis religieusement croyants (chrétiens, juifs, musulmans, etc) connaissent mon opinion concernant l'illusion religieuse. Pour autant, ils savent aussi que je ne laisserais personne les parquer dans des camps à cause d'elle (dans un sens ou dans l'autre d'ailleurs). Aujourd'hui, le discours fustigeant les musulmans est MAJORITAIREMENT un discours motivé par le racisme et l'inconsciente ou consciente "défense" d'un pays traditionnellement chrétien. Je l'ai dit, je ne hurlerais pas avec les loups. Ni ne serait le collabo d'une quelconque pensée dominante en la relayant parmi les "gauchos" indécis à l'aide d'arguments adaptés aux réthoriques pseudo-situationnistes en vigueur.

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    1. Depuis quand versons-nous dans la statistique et nous positionnons-nous en fonction d'une quelconque majorité ou minorité ? Les élus de "notre" démocratie bourgeoise représentative le sont à la majorité absolue, et celle-ci ne représente pourtant qu'à peine 10% de la population ! "MAJORITAIREMENT", dites-vous, la belle affaire.... Et puis si la majorité - visiblement soigneusement référencée (par vos soins ?) - devait aimer quelque chose pour de mauvaises raisons, la minorité devrait-elle s'abstenir de l'aimer pour de bonnes ? Et inversement : ce qui vaut pour l'amour valant également pour la haine. Le reproche fait à l'ultra-gauche de servir la soupe à l'extrême-droite ne date pas d'hier, il vaut chaque fois qu'on ne se déplace pas aux urnes, et sort de la bouche des stals, des socialos et même, en son temps, de celles des trotskards (lors d'une certaine fête de ROUGE, par exemple, où nous nous étions fait conspuer, au moment où jouaient les Clash, par une horde de militants hurlants à notre endroit : " Le fascisme ne passera pas ! "). L'amalgame entre racisme et rejet du religieux devant faire de nous des athées complexés et mutiques est un manichéisme sophistique : si un anti-islamiste lambda (je me refuse à faire mien le terme d' "islamophobe") est doublé d'un raciste anti-"pauvres-arabes-noirs-issus de l'immigration post-coloniale", donc TOUS les anti-islamistes sont suspectables d'être racistes et haineux envers les pauvres-arabes-noirs-issus de l'immigration post-coloniale, CQFD...
      Étant actuellement en province, j'ai eu l'occasion d'aller à la manif du 1er mai, dans une petite ville de France, à Arles, où le slogan qui a dominé la marche n'était autre que ce bon vieux : "Français, immigrés, même patron, même combat !". Voilà bien longtemps que je n'avais plus eu l'occasion d'entendre à propos de l'immigration quelque chose d'intelligent, de simple et efficace, totalement étranger à tout particularisme. Quelle bouffée d'air ! Les voyages formant la jeunesse, en poussant un peu plus loin (jusqu'à Aigues-Mortes), j'ai vu évoqué le massacre, en 1892, des immigrés italiens venus travailler dans les salins alentours. Des ouvriers originaires d'une terre traditionnellement chétienne, assassinés en France, "pays traditionnellement chrétien", comment chose pareille fut-elle possible ? Et bien, au nom du nationalisme et racisme ordinaire, de celui qui détestait les "ritals", les "macaronis" et autres mots doux, sans se soucier de leur religion, pendant que dans cette même France, les anarchistes bouffaient du curé à tous les repas... Les racistes "Dupont-la-joie" des années 70 n'avaient pas attendu les jihadistes des années 2000 pour être simplement et minablement racistes. Le raciste n'a pas besoin d'alibi théorique.
      Traiter quelqu'un de raciste, c'est comme le traiter de flic, il n'y a pas pire injure ! Il vaut mieux, donc, ne jamais se tromper...
      De même (n'ayant pas trop bien saisi qui usait, selon vous, "d'une réthorique pseudo-situationniste"), je pense, surtout, qu'il ne faut jamais perdre de l'esprit la grande alliance dont tous les monothéismes sont capables quand il s'agit de se battre contre nous : avec les athées, pas de quartier !

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    2. Nom de diousse, je suis entièrement d'accord avec vous Lilith. Je trouve pour ma part que le gauchisme, de moins en moins inspiré, devient de plus en plus moralisateur et donneur de leçon. S'il fallait dessiner un gauchiste, je dessinerai le pape François.

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  6. C’est drôle que vous pensiez – justement – au pape François. Lors de ce 1er mai, passé à Arles, se célébrait la grande fête annuelle des gardians de Camargue, avec procession à cheval, Arlésiennes en costumes traditionnels et grand'messe à 10H30 dans l’église Notre-Dame-de-la-Major, retransmise par haut-parleur sur la place éponyme. À cette même heure, la manif du 1er mai quittait la place de la République, accompagnée d'un groupe de percussionnistes entonnant un zouk délirant, moquant un certain « François » et ses promesses, et improvisant des refrains tout au long du parcours. À l'arrivée, juste avant la dispersion, alors que tout le monde croyait qu’ils se foutaient de la gueule de François Hollande, ils terminèrent leur chanson en révélant que la spéciale dédicace s’adressait au pape François. La foule s'est marrée, a applaudi copieusement et s’est mise à danser.
    Quand je parlais de bouffée d'air !..

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  7. C'est beau. Comme il y a quelque chose d'insoupçonné dans le zouk, c'est un peu pareil avec les François. François H. et le pape F. ne seraient-ils pas liés par un autre François, pas debout mais d'assise celui-là? Car finalement ces François partagent une même idée de l'ordre social, à savoir : que les pauvres restent pauvres. Je ne serai d'ailleurs pas étonné que, d'ici peu, l'on entende les foules scander: "La France aux François!"

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