samedi 22 avril 2017

C'est mon choix !



« Plus de gouvernement, cette machine à compression, ce point d'appui au levier réactionnaire.
Tout gouvernement – et par gouvernement, j'entends toute délégation, tout pouvoir en dehors du peuple – est de son essence conservateur – conservateur-borne, conservateur-rétrograde, – comme il est de l'essence de l'homme d'être égoïste. Chez l'homme, l'égoïsme de l'un est tempéré par l'égoïsme des autres, par la solidarité que la nature a établie, quoi qu'il fasse, entre lui et ses semblables. Mais le gouvernement étant unique et par conséquent sans contrepoids, il en résulte qu'il rapporte tout à lui, que tout ce qui ne se prosterne pas devant son image, tout ce qui contredit ses oracles, tout ce qui menace sa durée, tout ce qui est progrès, en un mot, est fatalement son ennemi.(...)
Et n'espérez pas de meilleurs hommes, un choix plus heureux. Ce ne sont pas les hommes, c'est la chose en elle-même qui est mauvaise. Selon le milieu, la condition où ils se meuvent, les hommes sont utiles ou nuisibles à ceux qui les entourent.
Ce qu'il faut, c'est de ne point les placer en dehors du droit commun, afin de ne point les mettre dans la nécessité de nuire. Ce qu'il faut, c'est de ne point se donner de pasteur si l'on ne veut être troupeau, point de gouvernants si l'on ne veut être esclaves.
Plus de gouvernement, et alors plus de ces ambitions malfaisantes qui se servent des épaules du peuple, ignorant et crédule, que pour en faire un marche-pied à leurs convoitises. Plus de ces candidats-acrobates dansant sur la corde des professions de foi, du pied droit pour celui-ci, du pied gauche pour celui-là. Plus de ces prestidigitateurs politiques jonglant avec les trois mots de la devise républicaine, Liberté, Egalité, Fraternité, comme avec les trois boules qu'ils font passer sous les yeux des badauds et qu'ils escamotent ensuite au fond de leur conscience, cette autre poche à malice...
Plus de ces saltimbanques de la chose publique qui, du haut du balcon des Tuileries ou de l'Hôtel de Ville, sur les tréteaux d'une Convention ou d'une Constituante, nous font depuis tant d'années assister aux mêmes parades, à la pasquinade de la meilleure des républiques, et qu'il nous faut toujours finir – pauvres niais que nous sommes – par payer de nos sueurs et de notre sang. (...)
Duègne édentée, Mégère aux doigts crochus, Méduse au front couronné de vipères, Autorité ! arrière et place à la liberté !...
Place au peuple en possession directe de sa souveraineté, à la commune organisée.»


(Joseph Déjacque, La question révolutionnaire, extrait du texte Du gouvernement,1854, édité sous le titre A BAS LES CHEFS par les éditions Champ Libre)

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