« Plus de gouvernement, cette
machine à compression, ce point d'appui au levier réactionnaire.
Tout gouvernement – et par
gouvernement, j'entends toute délégation, tout pouvoir en dehors du
peuple – est de son essence conservateur – conservateur-borne,
conservateur-rétrograde, – comme il est de l'essence de l'homme
d'être égoïste. Chez l'homme, l'égoïsme de l'un est tempéré
par l'égoïsme des autres, par la solidarité que la nature a
établie, quoi qu'il fasse, entre lui et ses semblables. Mais le
gouvernement étant unique et par conséquent sans contrepoids, il en
résulte qu'il rapporte tout à lui, que tout ce qui ne se prosterne
pas devant son image, tout ce qui contredit ses oracles, tout ce qui
menace sa durée, tout ce qui est progrès, en un mot, est fatalement
son ennemi.(...)
Et n'espérez pas de meilleurs
hommes, un choix plus heureux. Ce ne sont pas les hommes, c'est la
chose en elle-même qui est mauvaise. Selon le milieu, la condition
où ils se meuvent, les hommes sont utiles ou nuisibles à ceux qui
les entourent.
Ce qu'il faut, c'est de ne point
les placer en dehors du droit commun, afin de ne point les mettre
dans la nécessité de nuire. Ce qu'il faut, c'est de ne point se
donner de pasteur si l'on ne veut être troupeau, point de
gouvernants si l'on ne veut être esclaves.
Plus de gouvernement, et alors
plus de ces ambitions malfaisantes qui se servent des épaules du
peuple, ignorant et crédule, que pour en faire un marche-pied à
leurs convoitises. Plus de ces candidats-acrobates dansant sur la
corde des professions de foi, du pied droit pour celui-ci, du pied
gauche pour celui-là. Plus de ces prestidigitateurs politiques
jonglant avec les trois mots de la devise républicaine, Liberté,
Egalité, Fraternité, comme avec les trois boules qu'ils font passer
sous les yeux des badauds et qu'ils escamotent ensuite au fond de
leur conscience, cette autre poche à malice...
Plus de ces saltimbanques de la
chose publique qui, du haut du balcon des Tuileries ou de l'Hôtel de
Ville, sur les tréteaux d'une Convention ou d'une Constituante, nous
font depuis tant d'années assister aux mêmes parades, à la
pasquinade de la meilleure des républiques, et qu'il nous
faut toujours finir – pauvres niais que nous sommes – par payer
de nos sueurs et de notre sang. (...)
Duègne édentée, Mégère aux
doigts crochus, Méduse au front couronné de vipères, Autorité !
arrière et place à la liberté !...
Place au peuple en possession
directe de sa souveraineté, à la commune organisée.»
(Joseph Déjacque, La
question révolutionnaire, extrait du texte Du
gouvernement,1854, édité sous le titre A BAS LES
CHEFS par les éditions Champ Libre)
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