(Jean
Bourdichon, Saint Côme et Saint Damien
soulevant un urinal, peinture sur parchemin, Livre d'heures d'Anne de Bretagne, vers 1505, bibliothèque
nationale de France).
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Pas
plus gros qu'un missel, jaune d'or comme un tournesol au zénith et tout aussi
désaltérant qu'une pale ale bien
mousseuse, l'ouvrage intitulé Des
urinoirs dans l'art... avant Marcel
Duchamp, se déguste à l'ombre d'un buisson touffu ou d'une bâtisse
charpentée, aux pieds desquels il est loisible
de se soulager de ce que ne manque pas d'inspirer une si instructive lecture.
Philippe
Comar, plasticien, scénographe, écrivain et professeur de morphologie aux Beaux-Arts de Paris, nous offre un précieux opuscule consacré à l'urine et ses dédiés
réceptacles dans le champ de l'histoire de l'art.
Certes,
la fréquentation des baroques, des peintres flamands du XVIIème siècle, nous
avait laissé entrevoir un goût certain pour l'uroscopie et ses multiples déclinaisons
artistiques, mais ce qui fait le charme de ces quelques feuillets
merveilleusement illustrés, c'est l'obsessionnelle quête de la pisse et ses
représentations à travers les âges, à laquelle l'auteur s'est voué avec un
succès certain, jusqu'à nous débusquer de véritables pépites. D'ailleurs, nous
dit-il, "le mot urine dérive de l'ancien français orine, croisement du latin urina
et aurum, "or". On
découvre que jusqu'à la fin du XVIIème siècle l'uromancie était en effet une
pratique courante, l'urine ne suscitant "pas ou peu de dégoût", les
alchimistes allant jusqu'à l'appeler "mercure philosophique". L'urinal,
habilement manié par des "docteurs ès urines", révélait selon la
couleur du précieux liquide l'état de santé du client, selon les "vingt
variétés de couleurs d'urine admises alors par la médecine : blanche, lactée, glauque, cendrée, claire,
blême, citrine pâle, citrine, jaune d'or (couleur de l'urine normale), safran, rousse, rouge pâle, rougeâtre,
sanguine, vineuse, pourpre, verte, livide, noire, noir mortifère" (...).
(Anonyme,
Comparaison des différents types d'urine
chez un urologue, gravure sur bois coloriée, reproduite dans l'ouvrage de
Johannes de Cuba (Jean de Cuba), Hortus
Sanitatis, tractatus de urinis, Mayence, 1491 ; première édition, 1485).
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(...)
"En plus de servir d'assise au diagnostic, l'urine était réputée pour ses
nombreuses vertus médicinales. On pouvait la boire, la préparer en infusion, la
distiller, se gargariser avec, l'utiliser en onguent, en sel, en embrocation,
en lavement. Madame de Sévigné soignait ses maux de tête avec de l'essence
d'urine" (...) Mais surtout, grâce au savoir des uromantes (ou
uromanciens) on examinait les urines pour dire l'avenir ou rappeler le passé.
Dans l'or de cette sécrétion se lisaient l'histoire et le destin de chacun. (...) Le ballon divinatoire rivalisait avec la boule de cristal. (...) Brantôme,
dans la Vie des femmes galantes,
rapporte que certains médecins se flattaient à la seule inspection des urines
de juger si une jeune fille avait gardé ou non sa virginité. Un tableau de
Godfried Schalcken, La consultation
indiscrète, vers 1690, montre une scène de voyance non moins étonnante. Un
médecin scrute de près les urines d'une demoiselle en pleurs et découvre in vitro un précipité révélateur : une
petite forme humaine qui nage dans l'humeur dorée du bocal – le spectre d'un
homoncule –, signe que la jeune fille n'a pas gardé sa vertu et qu'elle en
subit in utero les
conséquences."
(Godfried
Schalcken, Le Médecin aux urines, ou La consultation indiscrète, huile sur
panneau, Musée Mauritshuis, La Haye).
***
D'autres
tableaux "souvent remisés dans les caves des musées" laissent
apparaître des jeunes femmes anémiées, telle La Malade de Gabriel Metzu, souffrant
d'une passion contrariée, ou sa semblable démasquée par son urinal
dans Le chagrin d'amour de Jan Steen.
(Jan
Steen, Le Chagrin d'amour, vers 1660,
huile sur toile, Staatliches Museum, Schwerin).
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Ce
qui plaît beaucoup à Lilith dans l'approche du sujet par Philippe Comar, c'est
qu'il ne semble pas du genre à accepter en renâclant juste un dé à coudre du
précieux liquide tout en se pinçant le nez, mais comme les "ampoules de
verre remplies d'une onde dorée", paraît avoir bon fond et s'interroge, voire se désespère qu'en quatre
siècles nous soyons "passés d'une époque qui savait transcender ses
humeurs, les élever à la lumière, les transmuer en or et composer des
chefs-d'oeuvre que l'on peut mirer et admirer à une époque où nous ne savons
plus transformer les nôtres qu'en une matière répugnante, honteuse, que nous
laissons choir."
(Des urinoirs dans l'art... avant Marcel Duchamp, Beaux-Arts de Paris éditions, 2017).
(Des urinoirs dans l'art... avant Marcel Duchamp, Beaux-Arts de Paris éditions, 2017).
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Dans
le même esprit et pourquoi pas, dans un jet continu, Lilith propose aussi de
l'art – et bien sûr du cochon – avec son Pain
perdu, spécialement concocté à la demande gourmande des Ames d'Atala pour le numéro 7, ou plus
exactement le septième service de la
"revue finissante" Amer,
qui, comme les précédents, se laisse radicalement déguster :
Dernière vespasienne de Paris,
boulevard Arago, devant la prison de la Santé.
"Tantôt chapelle oubliée, aux murs lépreux, tantôt grotte de Vénus,
humide, chaude et accueillante, tantôt temple d'Artémis, cette fois-ci, Laval
le voyait – cet antre – cathédrale :
imposante et dominatrice. Il en voulait pour sa dévotion.
Debout,
immobile au centre de son prie-dieu, il observait le ruissellement continu de
l'eau, qu'il savait être sans fin, dans une abolition totale du temps :
merveilleux exemple de fidélité, aperçu d'éternité. Cette eau, mille fois bénie
par la miction des hommes, glissait lascivement devant ses yeux plongés dans
les nuances de vert-de-gris, de noir profond, de brun ou d'ocre dont elle se
paraît, tel le caméléon, selon la multitude de teintes de la vieille paroi en tôle."
(Lilith Jaywalker, Pain Perdu, in Amer n°7, page 169)
"Divine idylle, divine ondinisme" disait le mutin lutinant.
RépondreSupprimerEn des temps bénis, naturellement.
Oreilles d'or de l'Orée, à vous, toujours.
Très cher Marquis, me couvrir d'or en pareilles circonstances, quel délicieux sens de l'à-propos...
SupprimerMes ruisselants hommages.